Envoyé par Catherine.
Victor HUGO , Notre-Dame de Paris, Livre V, Chapitre 2 : « Ceci tuera cela »
Introduction :
Notre-Dame de Paris, 1482 : publié en 1831
L’action se déroule au Moyen âge, sur fond de fresque historique : inspiré par Walter Scott.
Le livre V se compose de deux chapitres : I. « ABBAS BEATI MARTINI » (L’abbé de Saint-Martin)
II. « CECITUERA CELA »
Dans le premier chapitre, Claude Frollo reçoit la visite énigmatique du « compère Tourangeau » auquel il fait part de sa foi en l’alchimie plus qu’en la science et de son inquiétude devant les conséquences de la découverte, encore récente, de l’imprimerie : « Ceci tuera cela », affirme Frollo, désignant l’unique livre imprimé[1] de sa cellule et la cathédrale Notre-Dame. Selon Frollo,le danger n’est pas dans le livre même, mais dans le fait qu’il est imprimé. Frollo finit par comprendre que son interlocuteur est en fait « L’abbé de Saint-Martin, c’est-à-dire le roi de France ».
Le chapitre suivant marque une pause dans la narration, une « disgression » de l’auteur, pour reprendre l’expression de ? ? ? ? : Victor Hugo s’arrête sur les paroles de Frollo « Ceci tuera cela » carelles sont « énigmatiques » (l.4) : l’auteur se doit donc de les expliquer à son lecteur. Hugo va donc traiter de l’invention de l’imprimerie et de ses conséquences sur l’architecture pour se demander, avec l’archidiacre, si effectivement le livre imprimé tuera l’édifice.
Nous nous interrogerons donc sur la prise de position de Victor Hugo au sujet d’un progrès technique du XVe siècle,l’invention de l’imprimerie par Gutenberg en 1445[2], avancée technique relancée au XIXe siècle par l’utilisation de la vapeur qui permit d’imprimer plus vite et en plus grand nombre.
Nous examinerons dans un premier temps les avantages que Victor Hugo accorde au livre imprimé par rapport à l’architecture, Hugo qualifie en effet l’invention de l’imprimerie de révolution pour la pensée humaine et de lapensée humaine.
Nous verrons ensuite que dans cette comparaison de l’imprimerie et de l’architecture se cache une louange du monument et plus précisément de la cathédrale ; nous nous demanderons quelle conception est contenue dans ce qui peut paraître constituer une contradiction.
Pour comprendre plus précisément la pensée de l’auteur, nous nous demanderons si Hugo se place en historien ou enpoète dans cette mise en rapport du livre imprimé et de la cathédrale.
I) L’INVENTION DE L’IMPRIMERIE EST UNE REVOLUTION
Victor Hugo se livre à un examen des conséquences de l’invention de l’imprimerie pour la pensée humaine et pour l’évolution de la société et des arts. Cette question n’avait apparemment jamais été étudiée et, même après Hugo, elle semble avoir été laissée de côté, commel’affirme Elizabeth L. Eisenstein dans son ouvrage La Révolution de l’imprimé dans l’Europe des premiers temps modernes[3]. Elizabeth L. Eisenstein a vu son intérêt pour la mutation des communications au XVe siècle éveillé par une situation similaire à la fin du XXe siècle. Elle veut donc étudier la vertu qu’a la chose imprimée de conserver les écrits. Nous allons donc mettre en relation cechapitre de Hugo et cet essai d’Eisenstein pour « tester » en quelque sorte d’une part l’objectivité de l’écrivain, et d’autre part son talent « visionnaire ».
1) « La presse tuera l’église »
Hugo affirme que cette « peur » vient du fait que Frollo est un prêtre : il comprend que l’imprimerie annonce que « l’intelligence [va] saper la foi » , que « l’opinion [va] détrôner la croyance », que« le monde [va] secouer Rome » ; ce rythme ternaire assorti d’une gradation ascendante exprime la violence d’une révolution. C’est en effet d’une manière brutale que s’effectue la mort de l’architecture, Hugo utilise le vocabulaire guerrier : « Terreur du soldat qui examine le bélier d’airain et qui dit : La tour croulera ». Cette violence est répétée au milieu de chapitre, Hugo répète que…