Correction de la dissertation.
La poésie n’est pas considérée comme une activité sérieuse ni lucrative . Verlaine finit dans la misère malgré le titre honorifique de » Prince des poètes » que lui ont décerné ses pairs. En dehors du petit cercle des amateurs, peu de monde accorde un véritable « crédit » à la poésie et encore moins à l’artiste. Dans le meilleur des cas, on peut le traiter de « doux rêveur « , dans le pire, on lui reproche son immoralité, tel Baudelaire qui voit censurer six des poèmes de son oeuvre Les Fleurs du Mal . Ainsi, le poète est souvent méconnu, incompris, exclu. Cette « malédiction » , thème d’inspiration poétique de tout le XIXs, offre à la postérité des poèmes touchants sur la condition qui est faite au poète (« L’Albatros », » Le Pin des Landes »…). Faut-ilen déduire que la poésie est le fait des êtres rêveurs et mélancoliques? Certes, il existe une tradition poétique onirique aussi ancienne que la veine lyrique et qui renvoie au personnage de la mythologie Orphée dont la lyre enchantait et tirait des larmes aux plus mauvais des monstres.On sait comment finit Orphée: déchiqueté par des furies. Sans remonter aux Anciens , on verra que la poésieonirique et lyrique s’est manifestée en France dans tout son éclat au XIXs en particulier et est héritière d’une veine bien ancrée. Mais la poésie ne peut se limiter à ces caractéristiques au risque de paraître passéiste et désuète. Elle est aussi le fait d’ êtres « engagés » pleinement conscients des exigences de leur art ou de celles du monde et qui néanmoins ne veulent pas pour autant aliéner lapart de rêve que la poésie induit.
La poésie est à la fois un art qui permet l’évasion du monde réel , comme le fait un songe, et un art qui offre le moyen d’exprimer des sentiments intimes sur des thèmes qui souvent invitent à la mélancolie et la nostalgie.
C’est ainsi que le poète Rimbaud, dans un poème intitulé » Aube « , du recueil Les Illuminations, montre l’aurore comme une déessequi éveille le monde et après qui un enfant court. A la fin du poème, on s’aperçoit qu’il s’agissait d’un rêve.Ou encore dans un célèbre poème de Verlaine, » Mon rêve familier », de son premier recueil Poèmes Saturniens, le poète décrit la femme rêvée: « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant / D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime »/ Et qui n’est , chaque fois,ni tout à fait lamême/ Ni tout à fait une autre, qui m’aime et me comprend ». Enfin dans un poème intitulé » Le Mendiant » Hugo rêve ,voit, imagine un ciel constellé à travers le haillon tout troué qui sert de manteau au pauvre hère qu’il a recueilli . Le poère revendique donc ce statut de rêveur et cette aptitude à s’évader et à discerner un ailleurs ou une autre réalité.
En outre, au XIXs, une véritable explosionpoétique se produit alors que la littérature est le terrain d’une manifestation psychologique collective malheureuse: le fameux » mal du siècle » qu’évoque Musset dans les Confessions d’un enfant du siècle; ce « mal être » s’exprime chez les Romantiques mais aussi au-delà de ce mouvement, chez les Symbolistes et jusqu’aux Décadents.
Par exemple, Gérard de Nerval, dans son poème « El Desdichado » , durecueil Les Chimères, exprime son malaise dû à une quête et une perte d’identité: » Je suis le Ténébreux,- le Veuf,- l’Inconsolé/ Le Prince d’ Aquitaine à la Tour abolie:/Ma seule étoile est morte, – et mon luth constellé/ Porte le soleil noir de la Mélancolie ». La mélancolie est souvent associée à, ou amplifiée par, la douleur de la perte amoureuse. Ainsi,en 1820, Lamartine a écrit dans LesMéditations Poétiques, oeuvre qui lance le renouveau poétique du siècle, des vers demeurés célèbres » Fleuves , rochers, forêts, solitudes si chères/ Un seul être vous manque et tout est dépeuplé »,dans le poème « L’isolement »; et dans « Le Lac « : » O lac! l’année à peine a fini sa carrière,/ Et, près des flots chéris qu’elle devait revoir, / Regarde! je viens seul m’asseoir sur cette pierre/ Où tu la…