La perception

Fiche de cours : la perception

I . Perception et jugement
– Selon l’étymologie, la perception désigne un rassemblement (de sensations ou de stimuli) : percipere, c’est en latin « prendre ensemble », donc collecter. La perception la plus naïve est au-delà de la sensation élémentaire, et elle entremêle des informations sur un objet présent au concept qui me permet de le reconnaître, mais aussià un ensemble plus ou moins vaste (et plus ou moins conscient) de souvenirs et d’anticipations.
– Toute perception mélange ainsi une relation avec un objet et des données subjectives. C’est pourquoi la perception d’un chien peut provoquer, selon les individus, des réactions différentes, dues à ce que l’animal évoque pour l’un ou l’autre (sécurité ou danger, poils à caresser ou désagréables autoucher, etc.).
– La perception s’accompagne ainsi d’un jugement- qui est à la fois de fait (je perçois ceci ou cela) et de valeur ou de sens (ceci ou cela a tel ou tel sens pour moi). Mon rapport normal au monde implique en effet que ce qui m’entoure est rarement neutre ou dénué de signification: aux objets et aux êtres, j’accorde un sens, en fonction de ce que j’en attends ou de ce que je veuxen obtenir (d’où Bergson déduit que la perception est toujours sélective, et ne m’informe donc que des aspects du « réel » relatifs à mon projet ou à mon action).

2. Perception et vérité
– C’est précisément parce que le perçu est teinté par ma subjectivité, et qu’il ne peut me livrer le monde à l’état « brut » qu’une longue tradition philosophique a dénoncé la perception comme incapable denous faire accéder à la connaissance vraie.
– II est ainsi classique de trouver dans la perception la source même des illusions des sens (allégorie de la caverne, exemple du bâton de Descartes qui, pour ne plus adhérer à ce qu’il perçoit, doit c suspendre son jugement »). Mais la critique peut être plus radicale: l’univers que me livre la perception ne semble constitué que de transformations etd’éléments mouvants. Puisque, selon l’ancienne formule d’Héraclite, « tout coule » en subissant l’action du temps, comment pourrais-je découvrir la nature profonde des choses si je me fie à leurs apparences changeantes?
– Même si l’on admet que certaines fausses perceptions (hallucinations, mirages, etc.) relèvent d’un fonctionnement pathologique de nos sens, il n’en reste pas moins que c’esttrès normalement que je crois constater que, à l’évidence, le soleil « se lève » et « se couche ». Ce qu’indique ma perception est évidemment contredit par la connaissance scientifique. II n’est dès lors pas surprenant que l’épistémologie souligne à son tour qu’il n’y a de science qu’à partir du moment où toute confiance est retirée aux perceptions immédiates. a De ce point de vue, Gaston Bachelard afortement souligné que le comportement scientifique ne peut s’élaborer qu’en se dégageant des suggestions de l’expérience quotidienne, qui se fonde sur les perceptions : « »On connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l’esprit, fait obstacle à la spiritualisation».
– ce dernier terme désignant, non ce à quoi peut aboutir unepensée soumise à la perception, mais au contraire le résultat d’une reconstruction tout intellectuelle des faits.

3. Perception et constitution du monde
II n’en reste pas moins que le premier rapport avec le monde passe nécessairement par la perception, et que cette dernière me permet de distinguer les choses entre elles, en les isolant d’un « fond » – comme le montre la psychologie de laforme. Le monde n’est pas en effet chaos ou confusion, mais ensemble d’objets séparés et distincts de l’espace dans lequel ils m’apparaissent. Cette mise en situation originelle des choses extérieures par rapport à ma présence constitue « mon » univers, et détermine ultérieurement des modèles de relations que j’aurai avec elles. Mais il m’appartient, puisque je peux faire l’expérience d’erreurs…