La relative exigence de cohabitation en matière de responsabilité des parents du fait de leurs enfants

La cohabitation se meurt, la cohabitation est morte, la cohabitation est enterrée ! La Cour de cassation, veillée en cela par la doctrine, en a peu à peu creusé la tombe. Pourtant (rappel à la rigueur ou indifférence ?) le législateur, en réécrivant, à l’occasion de la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, le quatrième alinéa de l’article 1384 du Code civil et en y remplaçant ledroit de garde par l’autorité parentale, a conservé l’exigence de cohabitation :  » Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. « 
Selon le Code civil, la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur suppose donc à la fois une situation juridique, l’exercice de l’autoritéparentale (V. I. Corpart, L’autorité parentale : éd. ASH, 2003), et une situation de fait, la cohabitation. D’après la lettre, seule l’absence de cohabitation libère les parents titulaires de l’autorité parentale de la présomption de responsabilité.
Cette condition de cohabitation est devenue une notion  » abstraite  » (A. Gouttenoire-Cornut, note ss Cass. 2e civ., 20 janv. 2000 : Juris-Data n°2000-000196. – Cass. 2e civ., 9 mars 2000 : Juris-Data n° 2000-000953 ; JCP G 2000, II, 10374),  » dématérialisée  » (G. Proutière-Maulion : LPA 26 sept. 2002, n° 193, 6),  » juridique  » (L. Mauger-Vielpau, note ss Cass. crim., 29 oct. 2002 : D. 2003, p. 2112),  » démantelée  » (J.-B. Laydu, note ss Cass. crim., 18 mai 2004 : LPA 3 nov. 2004, n° 220, 7). L’exigence d' » habiter avec  » a de moins en moins desens et la responsabilité reposerait uniquement sur l’autorité parentale (P. Jourdain, obs. ss Cass. 2e civ., 19 févr. 1997 : RTD civ. 1997, p. 670 :  » On peut aussi estimer que le droit de garde… n’est autre que l’exercice de l’autorité parentale « ). La jurisprudence a fait de la cohabitation une espèce en voie de disparition et, comme le relève Patrice Jourdain,  » ne serait-il pas plus simpleet plus conforme à l’esprit de la jurisprudence Bertrand d’éradiquer complètement cette condition difficile à concilier avec une responsabilité objective fondée sur l’autorité parentale ?  » (obs. ss Cass. 2e civ., 16 nov. 2000 et 29 mars 2001 : D. 2002, p. 1309). La chambre criminelle, dans cet arrêt du 8 février 2005 (n° 03-87.447, publié au Bulletin), a définitivement renoncé à tenir compte de ladimension pragmatique de la cohabitation. Elle énonce qu’un enfant qui vit depuis douze ans chez sa grand-mère et l’époux de celle-ci cohabite toujours juridiquement avec ses parents. La convention conclue entre les parents et les époux D. n’aboutit pas à leur transférer les pouvoirs qui sont ceux d’un gardien.
L’affaire est en elle-même d’une triste banalité puisqu’il s’agit d’un mineurpoursuivi pour un incendie volontaire. L’auteur, Grégory, âgé de 13 ans au moment des faits, habite depuis l’âge d’un an chez sa grand-mère et le compagnon, puis mari, de celle-ci. Le tribunal pour enfant de Strasbourg condamne la grand-mère et son époux à indemniser la victime. Le premier juillet 2003, la cour d’appel de Colmar, en application de la jurisprudence Blieck, retient la responsabilité civiledes époux D. investis  » de la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler  » le mode de vie du mineur, confirmant ainsi la décision du juge pour enfant (arrêt Blieck : Cass. ass. plén., 29 mars 1991 : JCP G 1991, II, 21673, note J. Ghestin, concl. D. H. Dontenwille ; D. 1991, p. 324, note C. Larroumet ; Gaz. Pal. 1992, 2, p. 513, note F. Chabas). L’arrêt d’appel est cassé quant à sesdispositions relatives à la responsabilité civile. Ainsi, la chambre criminelle reconnaît une cohabitation virtuelle de l’enfant avec ses parents (1) tout en rejetant la présomption de responsabilité de la grand-mère et de son mari avec lesquels l’enfant habite réellement (2).
1 – Le maintien artificiel de la cohabitation avec les parents
Cohabiter ou  » habiter avec  » signifie vivre ensemble, dès lors…