PLUME RÊVÉE / LA PLUME DE PARURE, L’AUTRE ET L’AILLEURS: représentations de la plume de parure dans la société occidentale
Aujourd’hui les plumes de parure ont disparues de notre quotidien. Certes, on a vu ces derniers temps apparaître dans des magasins de prêt à porter des boucles d’oreilles ou des ceintures de plumes de paon ou de pintade. Si cette tendance fait rentrer la plume dans lesvestiaires de certaines, elle reste marginale ou anecdotique. Elle a un objectif dé?ni : séduire en provoquant l’imagination. En effet la plume de parure renvoie dans notre société à différents terrains imaginaires. Depuis les plumes d’autruches de la déesse Maât dans l’Egypte ancienne aux feux d’arti?ces multicolores des costumes de carnaval, elle a été utilisée dans des contextes très différents.En fonction de notre culture et de la société à laquelle nous appartenons elle évoquera tel ou tel univers. Dans les sociétés occidentales et contemporaines les images provoquées par la plume sont liées à ses représentations. Elle n’est que très rarement familière de nos vies et c’est par le prisme du cinéma, des expositions, du théâtre, de la presse, de la littérature, de la peinture, despublicités … qu’on la perçoit. Je vais camper quelques ?gures aux contours plus ou moins imaginaires, auxquels on se réfère aujourd’hui lorsqu’on parle plume, en tâchant de comprendre comment elles sont apparues, en quoi elles ont marquées l’imaginaire collectif et quelles identités elles projettent sur les plumes de parure.
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– L’Indien d’Amérique –
École portugaise, L’adoration des Mages,vers 1505. Provenance : cathédrale de Viseu.
Pedro REINEL et Lopo HOMEM, carte de l’Amérique du Sud
Manufacture de tapisseries d’Albert Auwercx à Bruxelles, d’après Ludwig van Schoor, L’Amérique, vers 1700. Tapisserie de laine, de soie et de ?ls métalliques.
Au XVIe siècle, les récits d’Amerigo Vespucci comme ceux de Christophe Colomb présente un Nouveau Monde caractérisé par la nudité,la longévité, l’absence à la fois de propriété et de lois. Ce sont autant de traits qui caractérisaient l’Âge d’Or de l’humanité, tandis que l’anthropophagie était mentionnée dans la littérature classique. Sur un seul point important ces peuples diffèrent des groupes humains décrits auparavant, l’utilisation des plumes pour les ornements qu’ils portaient. L’indien coiffé de plumes et généralementparé aussi d’une jupe en plumes, par la seule imagination européenne, apparaît très tôt dans les oeuvres d’art.
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L’Adoration des Mages est datée de 1505 et, au centre du tableau, l’homme couronné de plumes est sans doute le premier indien d’Amérique représenté en peinture. Sur les cartes de l’Amérique il symbolise les populations indigènes. Et à partir de 1570 et jusqu’au début du XIXesiècle, le continent américain est personnalisé par une femme parée de plumes dans d’innombrables allégories peintes ou sculptées, pour ne rien dire des frontispices de livres et autres imprimés, ni des motifs sur les céramiques ou verrerie, argenterie, meubles ou tissus. Puis l’image passe de l’art à littérature. John Milton avait en tête une idée dérivée des estampes lorsqu’il écrivait dansParadise Lost en 1667 : «Colomb trouva ainsi l’Américain portant Une ceinture de plume, nu pour le reste, et sauvage Parmi les arbres, sur les îles et les rivages boisés». En 1814, Alexaner von Humboltd remarquait : «Quand nous parlons en Europe d’un indigène de Guyane, nous nous imaginons un homme dont la tête et la taille sont ornées de jolies plumes d’ara, de toucan et de colibri. Nos peintures etnos sculptures ont toujours considéré ces ornements comme les signes distinctifs de l’Amérique». Alors que les coiffures et les ceintures de plumes indiquaient le caractère exotique et singulier de l’Indien, la nudité des autres parties du corps permettait de l’intégrer à la tradition classique de l’Europe. Les artistes et même certains voyageurs comparaient les Indiens aux nus idéalisés et les…