La raison selon blaise pascal

?8 Le « bon sens est la chose du monde la mieux partagée » déclare Descartes dans le Discours de la méthode. Pascal partage-t-il ce point de vue ?
Pour Descartes, la raison est non seulement universelle puisqu’elle est « la chose du monde la mieux partagée », mais capable d’expliquer tout ce qui concerne l’homme et Dieu. C’est pourquoi Pascal considère Descartes comme un « dogmatiste ». Il lejuge dans les Pensées « inutile et incertain » (§ 702). Partage-t-il son point de vue sur la raison ? Dans quelle mesure d’y oppose-t-il ? Pourquoi ? Nous verrons que Pascal tend à « humilier » la raison dans son ouvrage. En effet, même s’il lui reconnaît des qualités, il ne la juge pas capable de fournir d’amener seule les hommes à la vérité.

I Quels sens donne Pascal au mot « raison » (deux) ?Comment Pascal définit-il et représente-t-il la faculté humaine de la « raison » dans les Pensées?
Chez Pascal, le mot raison a au moins deux sens : il désigne la faculté de raisonner, telle que la définit Descartes. Il signifie aussi « cause première », « origine », notamment dans l’expression « raison des effets ». C’est à la faculté que nous nous intéresserons. Pascal ne définit pasprécisément la raison dans les Pensées, mais il la qualifie à plusieurs reprises. Ainsi, dans le fragment 48, il écrit en parlant des philosophes répliquant aux pyrrhoniens : « Le bon sens. Ils sont contraints de dire : vous n’agissez pas de bonne foi, nous ne dormons pas, etc. Que j’aime à voir cette superbe raison humiliée et suppliante. » La raison est donc ici personnifiée, et présentée comme« superbe », c’est-à-dire orgueilleuse, prétentieuse. Mais en ce qui concerne la distinction entre le rêve et le sommeil, rien ne peut être prouvé par la raison.
Dans l’ensemble des Pensées, Pascal tend à montrer les limites de la raison qui « prétend juger de tout », mais en est incapable. En ce sens, Pascal s’oppose à Descartes qui considérait dans le discours de la méthode qu’en remettant en doute toutesles connaissances antérieures, on pouvait fonder la vérité sur la raison. Pour Pascal, la raison n’est pas un fondement fiable car elle est faible : elle peut être troublée par une mouche (§ 44) et elle est obligée de se soumettre à l’imagination, « Cette superbe puissance ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer » (§ 41) Pascal prend un exemple concret pour montre ceslimites, celui du philosophe sur une planche : « Le plus grand philosophe du monde sur une planche plus large qu’il ne faut, s’il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n’en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer. » (§ 41) C’est pourquoi Pascal ne la juge pas « raisonnable » (§ 56)

II Cependant, Pascal reconnaît desqualités à la raison
D’une part, la raison est le propre de l’homme, ce qui lui permet de penser, ce qui le distingue des « pierres » : « Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête, car ce n’est que l’expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds. Mais je ne puis concevoir l’homme sans pensée. Ce serait une pierre ou une brute. » (§102). La raison est lasource même de la morale.
Elle rend les hommes vertueux en leur conférant sagesse et prudence. Ainsi, Pascal oppose les « habiles par imagination » et les « prudents » (§ 41), et évoque dans la description du magistrat qui assiste à un sermon la « raison pure et sublime » qui devrait le gouverner. En effet, la raison donne une approche objective des choses, à l’opposé de l’imagination qui demeuresubjective.
Elle est donc un « principe de vérité » (§ 41) insuffisant, mais réel. Pascal écrit effectivement « Nous connaissons la vérité non seulement par la raison, mais aussi par le cœur » (§ 101). Il admet donc par là l’importance de la raison. C’est elle qui permet d’organiser un discours et de démontrer certaines idées, notamment au plan scientifique : « Le coeur sent qu’il y a…