La suite de Mon Beau-père et moi multiplie les fiures parentales castratrices et étouffe le comique stridentd e Ben Stiller. Mais le double numéro spectaculaire de Streisand et d’Hoffman emporte le morceau.
En 2000 sortait Meet the Parents, sous le titre français de Mon beau-père et moi. Dans cette comédie noire, réalisée par Jay Roach, le malheureux Ben Stiller faisait la découverte, lorsd’un week-end catastrophique, de sa future belle-famille, et plus particulièrement de son futur beau-père, un ancien agent de la CIA plus que suspicieux interprété par Robert De Niro. Suite au succès inattendu du film, un sequel fut rapidement lancé qui arrive aujourd’hui en salle. Son titre : Meet the Fockers ou, en français, Mon beau-père, mes parents et moi. Les Focker, ce sont ici Dustin Hoffmanet Barbra Streisand, les parents soixante-huitards de Ben Stiller, que doivent à leur tour rencontrer non seulement leur bru mais surtout la famille de celle-ci.
Le léger écart entre titres américains et traductions françaises marque d’entrée l’ambiguïté du projet. Si l’on en croit la version originale, chacun de ces deux épisodes devrait se répondre de façon symétrique. Après la satire dumilieu hyperconservateur incarné à l’écran par De Niro devrait succéder la parodie du milieu ultralibéral (au sens américain du terme) défendu par Hoffman et Streisand. Et, pour une part, le film s’attaque à cette tâche. Avec une délectation sensible, les deux acteurs grossissent le trait, l’un en père maternant et l’autre en sexologue militante faisant tourner la maison. Entre Yentl et Tootsie,l’inversion sexuelle des rôles est déjà ancienne et l’outrance dans le comportement un attribut des plus naturel.
Mais la charge antibab est beaucoup plus douce et nuancée que la chape de plomb qui pèse, depuis l’épisode précédent, sur le personnage du beau-père réactionnaire. L’opposition entre les deux familles a beau être symbolisée par la lutte égalitaire entre leurs animaux respectifs (un chatpersan pour les Byrnes, un chien au pedigree assez trouble pour les Focker), le film penche incontestablement du côté des derniers arrivants. A mesure que l’intrigue progresse, l’isolement de Robert De Niro ne cesse ainsi de se renforcer. Arrivé pour le week-end dans un mobil-home paramilitaire, sorte de long tank noir prévu pour résister à toute attaque extérieure, il ne peut rien contre le charmeédénique du décor. Dans le swinging State de Floride, le ballottage parental tourne rapidement en sa défaveur. Lâché par sa propre épouse, il lui faut même, au final, entreprendre une sorte de rééducation accélérée pour rester partie prenante de l’histoire commune.
Si ce parti pris politique est en soi appréciable, il nuit à la veine comique du film. En effet, depuis le début de sa carrière, BenStiller excelle dans un humour paranoïaque qui le fait s’affronter avec une navrante maladresse à plus fort que lui. Dans Disjoncté, son film le plus personnel et le plus réussi en tant que metteur en scène, le personnage joué par Matthew Broderick se laissait progressivement envahir par un agent de la compagnie du câble interprété par le génial Jim Carrey. Mon beau-père et moi avait l’intelligencede reproduire cette scène primitive en en inversant les termes. Son personnage tentait alors par tous les moyens de pénétrer le « cercle de confiance » de la famille Byrnes sans y parvenir.
Mon beau-père, mes parents et moi essaie, en quelque sorte, de cumuler ces deux aspects. Ben Stiller y est à la fois étouffé par l’amour de ses parents et rejeté par son beau-père. Mais ces deux effets comiquesont une certaine tendance à s’annuler l’un l’autre et « secondarisent » surtout son personnage. La vraie dynamique oppositionnelle lui passe, pour ainsi dire, au-dessus de la tête. Elle se joue directement entre De Niro et le couple Hoffman/Streisand, et se révèle sérieusement lestée par l’enjeu idéologique.
L’intérêt de Mon beau-père, mes parents et moi réside pourtant dans cette jonction…