LES RÈGLES DE BIENSÉANCE
Les règles de bienséance contribuent à développer la politesse. On entend par politesse l’ensemble des règles artificielles de bon goût et de savoir-vivre en usage dans une société ou l’application stricte de ces règles. Très policé, nous n’entendons pas forcément dénoncer ces pratiques artificielles, mais nous leur préférons nettement la courtoisie et la cordialité quiémanent de la spontanéité naturelle dans la mesure où celle-ci ne trahit pas la médiocrité ou le laisser-aller. Au stade actuel de développement de l’Humanité, les règles de politesse peuvent trouver une certaine légitimité pour autant elles favorisent l’harmonie entre les êtres, leur rappelant les rudiments de la civilité, de la fraternité, de la solidarité humaine. Mais si elles révèlent lebesoin d’affirmer d’abord une culture, une éducation, l’appartenance à un groupe, elles fomentent l’esprit de séparativité, d’où elles éclairent un dressage arbitraire, donc suranné. À notre avis, l’étiquette ne peut jamais s’exercer au détriment de la simplicité, de la spontanéité, de l’originalité, du naturel, empêchant un être de rester pleinement lui-même en toute occasion. Elle ne doit pasempêcher un être de rester pleinement lui-même, de se présenter tel qu’il est, d’affirmer sa vérité nue. Toute règle de bienséance qui contreviendrait à ces éléments sains de l’expression de soi se désavouerait d’elle-même. Une trop grande politesse cache de l’hypocrisie, beaucoup d’angoisse, un puissant potentiel agressif latent. Le concept de comportement que dissimule le mot bienséance inhibe nombredes plus grandes joies, car il implique que quelqu’un d’autre que soi puisse dicter les normes de ce qui devrait maintenir l’harmonie. Être convenable, c’est, en général, cacher ce que l’on est vraiment. On ne peut le nier, la société a inventé la bienséance pour éviter d’être dérangée dans son apathie et dans ses stéréotypes. Elle est d’autant plus structurée qu’une société se sent menacée dans sesfondements et la revalorise pour compenser ses faiblesses. Quant à la personne qui réclame le respect, elle signale par le fait même qu’elle ne se respecte pas ellemême et qu’elle tente d’imposer aux autres une conduite pour se sentir moins menacée dans sa fragilité, sa vulnérabilité. On ne peut donner ce qu’on n’a pas, comme on ne peut attirer ce que l’on ne porte pas en soi. En général, lapersonne trop attachée aux rituels de la politesse recourt à un moyen de défense subtil pour échapper à toute critique en tentant de se faire bien voir. Elle cherche forcément à masquer une grande tare personnelle qu’elle est portée à projeter sur les autres. Il y en a qui vont si loin qu’ils sentent le besoin de justifier leur présence en public ou de s’excuser pour le moindre dérangement. Lanza DelVasto se moquait un peu de la politesse en ces mots: La politesse est une contrainte à laquelle ne peut échapper aucune personne qui veut se maintenir quelque peu dans le monde, et comme, par ailleurs les sourires et les bonnes grâces n’y représentent aucune manière de sentiment fraternel ou charitable, il est naturel que l’on se venge de la comédie qu’on est obligé de jouer devant les gens endisant d’eux, derrière leur dos, tout le mal que l’on en pense, et pis. Le savoir-vivre, cette connaissance des usages du monde qui mène à sa pratique ou l’art de bien diriger sa vie en appliquant les règles de l’amour, du tact et de la bienséance, comporte ses aspects sains. À la vérité, il exprime une attitude de prévenance qui favorise l’harmonie, en société, en évitant les situationsembarrassantes, le bri d’intimité, la familiarité excessive, les intrusions fâcheuses, les extravagances douteuses. Il implique qu’on évite de s’impliquer de façon délibérée dans un conflit de personnalité, réprime le débordement de l’ego, canalise les sursauts d’émotivité, écarte les attitudes irréfléchies, réprime les interventions intempestives, réprouve les marques d’intolérance et les comportements…