Comment interpréter la didascalie »un temps » dans Fin de partie de Beckett?
Dans le texte d’une pièce de théâtre, une didascalie est une note ou un paragraphe rédigé par l’auteur, à destination des acteurs ou du metteur en scène. Elle donne des indications tantôt d’action, de jeu, ou encore de mise en scène. Dans Fin de partie de Beckett, le plus récurrente est « un temps » ; ainsi, nouspourrions nous demander comment interpréter la didascalie »un temps » au sein de cette œuvre. Elle joue tout d’abord un rôle important dans cette pièce de théâtre, entrainant une réflexion sur les acteurs comme sur les spectateurs, mais surtout une certaine dégradation puisqu’il faut parler contre le silence.
Elle joue, pour commencer, un rôle majeur dans cette pièce de théâtre, étant unefonction principale. Elle est, en effet, répétée inlassablement plus de 400 fois dans l’œuvre! Dès la première réplique, Clov est amené à la mentionner quatre fois ; on lui attribue directement une place prédominante. De plus, on la retrouve aussi bien en dehors des répliques, lorsqu’un personnage a fini de parler, comme à l’intérieur « Hamm – Tu vas fort. (Un temps.) Ne reste pas là, tu me faispeur ». Elle suggère, tout comme les nombreux »… » le silence, une incertitude constante où le spectateur / lecteur se perd comme dans un labyrinthe où les culs de sacs sont les »un temps », mais témoigne également d’une mise en scène dramatique totale, soit les caractéristiques propres à une pièce de théâtre tels que les personnages, les didascalies… Cela peut également être un travail sur leregard, comme si l’autre acteur devait prendre la parole. C’est pourquoi, son rôle est prédominant.
Elle se décline ensuite en deux principales »utilisations » telle qu’en dehors des répliques, utilisation la plus fréquente au début de l’œuvre. Elle permet ainsi aux personnages de changer de sujet, qui n’a, bien souvent, aucun rapport avec ce qui a pu se dire précédemment. Au tout début, Hammdemande à Clov de le coucher alors que celui-ci vient de le lever, et il enchaîne sur la couleur de ses yeux… Mais ces »un temps » marquent aussi la fin de plus ou moins courts épisodes de dialogue entre les quatre personnages. Leur utilisation est donc variée, en dehors des répliques.
On la retrouve aussi à l’intérieur même des répliques dans de nombreux cas de figures. En effet, Hamms’interroge, et se pose des questions qu’il laisse sans réponse, par le biais de cette didascalie, à propos de qui pourrait connaître »misère plus haute que la [sienne] ». Elles connotent également d’une attente de réaction de la part d’un autre, en témoigne la séquence répétitive des excuses de Hamm à Clov avec « Hamm – Ah ! Quand même ! (Un temps. Froidement.) Pardon. (Un temps. Plus fort [pour faireréagir l’interlocuteur].) J’ai dit, Pardon… ». Les didascalies peuvent même permettre au spectateur de mieux se repérer, lorsqu’une mise en abime s’opère : effectivement, lorsque Nagg se lance dans le récit de leur voyage dans les Ardennes, il jongle entre sa voix normale, en tant qu’acteur de cette pièce, et la voix du tailleur, l’acteur de son histoire : ces changements sont symbolisés parl’expression »un temps », dont l’utilisation est plus que prédominante dans Fin de Partie.
Elle discerne même des réflexions, à commencer par celle des personnages. Malgré ses nombreux usages, elle désigne par moments, la réflexion des personnages, bien qu’ils aient du mal à la faire fonctionner. A nouveau quand il parle de la souffrance, de la misère peut-être plus haute que la sienne, ils’interroge, émet des hypothèses qu’il réfute, avant de sélectionner une conclusion, à laquelle il ajoutera de nombreux autres détails. Ainsi, les personnages parviennent encore à mettre en œuvre, une certaine part de réflexion qu’ils ont gardé avec bien du mal.
Si la portée de l’expression »un temps » touche les acteurs, elle s’adresse aussi, de manière plus générale, au spectateur, voire lecteur…