DOCUMENT 1
Les premières années de l’enfance exigent, par rapport à l’esprit, beaucoup plus de soins qu’on ne leur en donne communément, en sorte qu’il est souvent bien difficile, dans la suite, d’effacer les mauvaises impressions qu’un jeune homme a reçues par les discours et les exemples des personnes peu sensées et peu éclairées, qui étaient auprès de lui dans ces premières années…
Lespremiers acquiescements sensibles de notre esprit, ou pour parler comme tout le monde, les premières connaissances ou les premières idées qui se forment en nous pendant les premières années de la vie, sont autant de modèles qu’il est difficile de réformer, et qui nous servent ensuite de règle dans l’usage que nous faisons de notre raison : ainsi, il importe extrêmement à un jeune homme, que, dèsqu’il commence à juger, il n’acquiesce qu’à ce qui est vrai, c’est-à-dire, qu’à ce qui est. Ainsi, loin de lui toutes les histoires fabuleuses, tous ces contes puérils de fées, de loups-garous, de juifs-errants, d’esprits follets, de revenants, de sorciers et de sortilèges, tous ces faiseurs d’horoscopes, ces diseurs et diseuses de bonne aventure, ces interprètes de songes, et tant d’autrespratiques superstitieuses qui ne servent qu’à égarer la raison des enfants, à effrayer leur imagination, et souvent même à leur faire regretter d’être venus au monde.
Les personnes qui s’amusent à faire peur aux enfants sont très répréhensibles. Il est souvent arrivé que les faibles organes du cerveau des enfants en ont été dérangés pour le reste de la vie, outre que leur esprit se remplit depréjugés ridicules, etc. Plus ces idées chimériques sont extraordinaires, et plus elles se gravent profondément dans le cerveau.
On ne doit pas moins blâmer ceux qui se font un amusement de tromper les enfants, de les induire en erreur, de leur en faire accroire, et qui s’en applaudissent au lieu d’en avoir honte : c’est le jeune homme qui fait alors le beau rôle ; il ne sait pas encore qu’il y a despersonnes qui ont l’âme assez basse pour parler contre leur pensée, et qui assurent d’insignes faussetés du même ton dont les honnêtes gens disent les vérités les plus certaines ; il n’a pas encore appris à se défier ; il se livre à vous,et vous le trompez : toutes ces idées fausses deviennent autant d’idées exemplaires, qui égarent la raison des enfants. Je voudrais qu’au lieu d’apprivoiser ainsil’esprit des jeunes gens avec la séduction et le mensonge, on ne leur dît jamais la vérité.
César CHESNEAU du MARSAIS
DOCUMENT 2
Aujourd’hui, comme jadis, la tâche la plus importante et aussi la plus difficile de l’éducation est d’aider l’enfant à donner un sens à sa vie. Pour y parvenir, il doit passer par de nombreuses crises de croissance. A mesure qu’il grandit, il doit apprendre à secomprendre mieux ; en même temps, il devient plus à même de comprendre les autres et, finalement, il peut établir avec eux des relations réciproquement satisfaisantes et significatives… J’ai été amené à rechercher les expériences qui, dans la vie de l’enfant, étaient les plus propres à l’aider à découvrir ses raisons de vivre et, en général, à donner le maximum de sens à sa vie. En ce qui concerneces expériences, rien n’est plus important que l’influence des parents et de tous ceux qui éduquent l’enfant ; vient ensuite notre héritage culturel, s’il est transmis convenablement à l’enfant. Quand il est jeune, c’est dans les livres qu’il peut le plus aisément trouver ces informations.
A partir de là, je me suis trouvé très insatisfait de la plus grande partie de la littérature destinée àformer l’esprit et la personnalité de l’enfant ; elle est incapable, en effet, de stimuler et d’alimenter les ressources intérieures qui lui sont indispensables pour affronter ces difficiles problèmes. Les abécédaires et autres livres pour débutants sont étudiés pour enseigner la technique de la lecture, et ne servent à rien d’autre. La masse énorme des autres livres et publications qui forment…