L’Economie de la Panique, faire face aux crises financières
Jérôme Sgard1 Paris, La Découverte, septembre 2002, 300 pages
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Thèmes principaux et conclusions
L’Economie de la Panique se présente d’abord comme une histoire des crises financières qui ont secoué l’économie mondiale depuis le Mexique en 1995 jusqu’à l’Argentine cette année. Ce livre remet en perspective cesexpériences successives et les débats de politique financière internationale qui les ont accompagnés : impact des grands programmes de renflouement du FMI, problème de la conditionnalité et de l’aléa moral, question du prêteur en dernier ressort international, de la loi de faillite souveraine, du contrôle sur les mouvements de capitaux, etc. Par rapport au discours commun sur les crises financières, quis’est quelque peu « stéréotypé » depuis 1998, quels éléments nouveaux sont apportés ? – D’abord les principaux épisodes (Thaïlande, Corée, Indonésie, Russie) ont fait l’objet d’enquêtes de terrains de plusieurs semaines (1998-1999), qui ont permis d’interviewer près de 150 acteurs ou témoins proches de ces crises : ils sont issus des Banques centrales locales, des Ministères des Finances, des banquescommerciales, d’entreprises manufacturières, du FMI, de la Banque Mondiale, de l’administration américaine (Trésor et Fed). – Ceci permet de produire une analyse beaucoup plus riche des dynamiques internes : sorti de discours répétitif sur l’aléa moral et le crony capitalism, ou sur la faiblesse des banques, que sait-on des enchaînements de la crise intérieure en Thaïlande ? En quoi sedifférencie-t-elle du cas indonésien ? Quels sont les liens entre la crise russe d’août 1998 et le développement du troc et des monnaies parallèles qui ont caractérisé les années antérieurs ? Comment expliquer la divergence entre la dévaluation réussie du Brésil en 1999 et le désastre argentin de 2002, alors qu’un passé iinflationniste comparable aurait du a priori avoir des effets proches ? Ceci permet alorsde différencier qualitativement les modèles de crise et d’ouvrir sur une réflexion plus générale sur les déterminants des crises financières et monétaires, les risques de la globalisation ou l’économie politique de la gestion de crise. – En particulier, on insiste fortement sur l’impact de la libéralisation des mouvements de capitaux à court terme à la fois dans les années antérieures à la crise(afflux de capitaux, bulle spéculative, etc), mais aussi sur la dynamique de la crise elle-même : le refus d’envisager tout contrôle provisoire à la sortie ressort en particulier comme le caractère principal de la gestion de crise du FMI, autour duquel se sont organisés les autres éléments de sa stratégie, … et parfois de son échec.
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Chercheur au CEPII et Professeur-associé à l’Université deParis-Dauphine. tel : 01 53 68 55 35 mèl : [email protected]
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– Au-delà, un terme traverse ces analyses : la globalisation ne demanderait pas tant un « retrait de l’Etat », comme on l’a tant répété, mais au contraire la construction de l’Etat, non tant au sens de l’Etat interventionniste et redistributeur, de type européen, mais au sens de l’Etat de droit; ainsi, on explore à travers lesdéfaillances de l’économie mondiale les formes d’une économie politique du libéralisme qui ne soit pas une théorie du déclin de l’Etat (et de leur coopération internationale) mais une tentative de faire converger libéralisme économique et libéralisme politique.
Pays par pays, les analyses proposées dans la première partie du livre conduisent à souligner en particulier les éléments suivants :Thaïlande. Le pays était entré dans une crise bancaire ouverte dès la fin de 1996, qui a entraîné des injections massives de liquidité par la Banque centrale : absolument incontrôlées, ces opérations ont non seulement maintenu à flot pendant des mois des institutions condamnées, ce qui accentué gravement la crise ; elles ont aussi alimenté la fuite des capitaux, la chute du change et l’extension…