La conscience de soi

Mon identité est d’abord une identité positive, primitive et irréductible. Je suis un individu qui a une unité et une continuité à travers le temps.

Je suis moi parce que je suis un individu, une réalité indépendante. On peut me soustraire un bras sans me retirer à moi – même. Comme le montrent les anecdotes relatives aux stoïciens, on peut faire tort à mon corps, sans me faire, à moi, lemoindre tort. Il y a une irréductible individualité que le nom consacre puisque je suis le seul à le porter.

Je suis moi parce que je suis un individu qui a une unité et une continuité. Toutes mes qualités me font sans me défaire si elles viennent à se perdre. Le temps peut amoindrir mes capacités, il peut émousser mes aptitudes physiques, retarder mon agilité mentale : je resterai un moi qui estce moi.

Cette unité qui subsiste à travers le temps, en dépit des changements, fait de moi une personne. Je sais que je suis moi travers toutes les altérations que je subis. Une personne dispose d’une identité qui subsiste et qui sait que cette identité subsiste1 . En deçà du moi social, BERGSON décèle un moi profond qui persiste dans ses changements, par ses changements : le moi n’est pas uneréalité stable ; il « est » une succession incessante de mouvements.

Mais avec la notion de personne, la question de l’identité change de registre. La personne est définie par son histoire et cette histoire est en partie construite avec les autres, parfois par les autres.

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Mon identité est posée du dehors dans monêtre naturel même. Je suis moi en tant que réalité naturelle, corporelle, observable qui dispose d’une consistance au même titre qu’une chose. Mon identité est donc ma permanence dan le monde. Mais cela me définirait comme au mieux comme objet, pas comme une personne.

Mon identité est alors posée de l’extérieur par un ensemble de déterminations sociales. Mon nom, mon inscription dans desinstitutions, mes rôles imposés par des codes sociaux comme le mariage, la vie professionnelle. Mais cette identité est aliénée : je sus dépossédé de moi pour exercer des fonctions que ne choisis pas. Le moi exécute ce qu’une collectivité attend de lui.

Mon identité est déterminée au sein de jeux symboliques complexes qui incluent aussi mon intériorité. Répondre : « présent » à l’appel de son nom,c’est avouer son appartenance à une communauté symbolique. Le nom distingue (je ne porte pas le même nom que mes collègues) et il fait adhérer : le nom assigne l’appartenance à une ethnie, une culture, une histoire, un clan, un corps de métier, une zone géographique. Cela signifierait que mon identité est celle que je reçois symboliquement des autres.

Mais la pire des violences n’est – elle pascelle qui me dépossède symboliquement de ce que je suis ? Mon identité n’est – elle pas définitivement aliénée si je n’ai pas le pouvoir de choisir la représentation symbolique de ma personne ?

Le moi se distingue du nous en tant qu’expression singulière des aptitudes et des possibilités du nous. Etre moi c’est ne pas être comme les autres, c’est exercer les capacités qui nous sont communes d’unemanière personelle. En cela, seul ce qui est créateur m’identifie parce que ce qui s’exprime c’est moi sans être tout à fait un autre. Ce que je fais un autre peut le comprendre : les souvenirs d’enfance de PROUST sont aussi les miens. Cette première identité est donc esthétique.

L’identité de chacun d’entre nous se trouve dans le jeu des interactions de chacun avec le nous. L’homme est commeun pion dans un jeu de tric – trac écrit ARISTOTE (Politiques. I, 2, 1253 a). Notre identité est à la fois reçue du groupe, déterminée par notre place sociale au sein du groupe. Elle n’est pas pour autant aliénée puisque l’initiative nous est laissée. Nous délibérons avec les autres sur notre sort commun. Notre identité est d’abord politique et non pas esthétique. Pourtant l’identité de chacun…