Caterina Pasqualino est chercheur pour le Centre National de la Recherche Scientifique. C’est après plusieurs études sur les minorités du bassin méditerranéen qu’elle a orienté son travail plus précisément sur les populations gitanes. Flamenco gitan est un carnet de voyage retraçant son immersion au sein de cette communauté andalouse et mettant en lumière l’importance qu’y revêtent le chant etla danse flamenco, ceux-ci apparaissant comme partie intégrante de l’identité communautaire, favorisant la cohésion du groupe et la préservation d’une culture unique. Loin des clichés et des a priori, ce livre nous offre une découverte en profondeur d’une musique devenue une attraction touristique mais dont la nature originelle nous est souvent étrangère, infiniment ancrée dans la communautégitane. Servant de fil directeur à l’ouvrage, comme son titre le laisse deviner, l’étude du flamenco nous permet l’accès à la compréhension de la culture gitane dont chaque facette est imprégnée aussi bien les événements majeurs que la structure du clan ou son mode de pensée comme nous allons l’observer.
I- Le flamenco occupe une place centrale dans les événements qui jalonnent la vie.
A- Lesfêtes et les cérémonies religieuses.
Les fêtes font partie intégrante de la culture gitane et s’articulent souvent autour du flamenco. En général, on encourage les enfants à danser puis les jeunes hommes à chanter suivis des jeunes filles qui dansent à leur tour et enfin des adultes qui n’interviennent dans un premier temps que par des onomatopées alors qu’ils sont réunis en cercle autour desdanseurs. Cette frénésie dans la danse et le chant est représentative de l’esprit gitan et cela s’illustre particulièrement dans les célébrations religieuses où, s’opposant aux payos (les non gitans), ils trouvent ennuyeux de se recueillir dans le silence. Ainsi, lors de la Semaine Sainte notamment, ils célèbrent le Christ captif par le flamenco et revendiquent leur fierté d’agir ainsi par d’autreschants tels que celui-ci :
Como yo soy jerezana Puisque je suis de Jerez
A mi nino Jesù, pare mio à mon Enfant Jésus, mon père
Yo le via lleva je vais lui amener
Yo le via lleva je vais lui amener
Una blusa de lunares une chemise à pois
Y una botas de baila et des bottes pour danser
B- L’exemple des fiançailles et du mariage.
Les dichos (fiançailles) et le mariage, quirevêtent un caractère particulièrement sacré chez les gitans font eux aussi la part belle au flamenco, bien davantage qu’à d’autres aspects privilégiés chez les payos comme la cérémonie religieuse ou le repas. En effet, celui-ci a longtemps été considéré par l’Eglise comme blasphématoire et nombre de prêtres le calomnient encore, cependant, il n’est pas rare que le chant gitan du mariage, l’alborea,s’introduise dans la cérémonie et si ce n’est le cas, il éclate dès la sortie de l’église sur le parvis de laquelle la mariée esquisse quelques pas de buleria, entourée par les convives frappants dans leurs mains. C’est l’esprit de ce clan tumultueux et passionné dans la joie qui s’incarne par dans cette primauté du flamenco.
C- Toutes les étapes de la vie.
Jalonnant les grandes célébrations, leflamenco accompagne également le gitan toute sa vie. L’enfant « joue au flamenco », l’adolescent y a recours pour séduire, le charme de la danse étant reconnu comme surpassant la beauté physique et il permettrait aux adultes, en particulier aux femmes, de révéler leur vraie nature. Présent dans les grands événements, on le trouve également dans chaque petite fête ou tout simplement lors d’unmoment qui s’y prête, de plus en plus de jeunes chanteraient le flamenco en voiture, espace intime où ils dévoilent leur âme à quelques personnes.
II- La création d’un « mysticisme gitan » par le flamenco.
A- Un gage d’identité gitane.
Les gitans pensent posséder un don pour l’art du flamenco qui serait le leur et aurait le pouvoir d’ensorceler les payos, leur conférant une force de…