Les animaux malades de la peste

Les animaux malades de la peste
La Fontaine, Fables VII 1, 1678

Contexte :
Il s’agit d’une œuvre de maturité, en effet La Fontaine publie les livres 7 à 11 de ses fables en 1678 (soit dix ans après les six premiers livres).
Il exploite toutes les possibilités de la fable, qui se caractérise par une très grande souplesse (la fable n’a pas été codifiée).
Le recueil de 1678 marque uneévolution par rapport au premier, La Fontaine y aborde des thèmes plus sérieux voire philosophiques. Le sujet de cette fable est d’ailleurs un sujet politique.
Cette fable ouvre la seconde partie du livre 7 des fables, et est précédée d’un avertissement qui reconnaît l’évolution mentionnée.
La fable est aussi précédée d’une dédicace à Mme de Montespan, à qui La Fontaine rappel les mérites du genre dela fable.

Problématique :
Comment à travers un récit de fiction faisant une large place à la parole des animaux, l’auteur parvient-il à dénoncer les problèmes d’un système, en l’occurrence à dénoncer le déni de justice que constitue le jugement de cours ?

I / L’efficacité du récit

1) Le choix d’une situation
Situation vraisemblable dans un contexte animalier.
Il y a une situation decrise, et un effet de retardement avant la désignation de la peste au vers 4.
Cette situation constitue un bouleversement de l’ordre naturel.
Dans la seconde partie du préambule, on cite tous les animaux, on a donc une justice divine qui n’implique aucune distinction qui serait liée au rang social.
La peste emmène les animaux dans un monde tragique (cf. vers 5).
Cette situation grave introduitdonc des enjeux sérieux, elle justifie le développement du récit et l’urgence d’une décision.

2) La mise en scène de la parole des animaux
Dans ce texte, l’action se confond avec la parole (vers 15 : « Le lion tînt conseil »).
La parole a donc une dimension pragmatique, elle correspond à une forme d’action.
Toutefois, la parole entretient un rapport ambigu avec les faits.
D’après le lion,cette parole devrait relever de la confession (vers 23-24), pourtant l’intervention du renard traduit d’emblée un décalage avec cet objectif.
Le contenu des confessions apparaît donc comme un objet d’interprétation et l’appréciation de l’innocence.
Relater des actes par un discours montre que vérité et actes ne se confondent pas.

3) Des personnages qui se définissent à travers leur maîtrisedu langage
Les discours semblent définir deux catégories : les puissants (le lion et le renard) et les faibles (l’âne).
Cette distinction regroupe deux distinctions du langage :
– le langage permet d’agir sur le monde. Il ne coïncide pas avec la réalité, mais en crée une nouvelle.
Repose sur l’art oratoire et des figures rhétoriques. Cela fait du discours une arme de persuasion.
(Ex : Discoursdu renard)
– le langage renvoie directement à la réalité. Il ya une équivalence entre paroles et faits. Ce n’est pas une arme de persuasion, mais un moyen de communication. C’est un discours de vérité. On a une transparence du langage.
(Ex : Discours de l’âne)

II/ Une parodie de justice

1) L’enjeu affiché du conseil : le retour à l’ordre et à la justice
Cf. Discours du lion.
Cediscours va définir une procédure répondant à la situation de crise évoquée au début du texte et destinée à aboutir à une décision fondée et non arbitraire.
Le discours du lion est très construit, et définit les modalités de cette procédure tout en se justifiant :
– Vers 16-17 : analyse de la situation.
– Vers 18-20 : évocation de la solution préconisée : le sacrifice.
– Vers 21-23 : Il se justifiepar référence à la coutume.
– Vers 23-24 : La confession constitue la méthode.
– Vers 25-29 : Mise en application de la méthode ; il se montre en exemple.
L’enjeu de la procédure est la justice (grand champ lexical dans le texte).
Le récit fonctionne comme un discrédit de ce qui est énoncé plus haut dans le texte. La procédure va s’écarter de la justice, elle est minée par l’ordre social….