Les femmes dans les contes du xviiie siècle

Le pouvoir des femmes

Séminaire d’histoire littéraire Les contes au XVIIIe siècle

Les femmes dans les Lumières La position de la femme dans la société française est une question qui se pose de plus en plus au fil du XVIIIe siècle. Il faut se rappeler qu’elle joue un rôle relativement nouveau dans cette société, et qu’elle prend une importance toute particulière dans l’essor de laphilosophie des Lumières. Sous la houlette de quelques femmes de haut rang, les philosophes, les gens de lettres et leur entourage se retrouvent dans des cercles où ils prennent part à des conversations et des débats sur divers sujets. Jean de Viguerie relate dans son ouvrage, Filles des Lumières, ces salons, ou plutôt ces sociétés d’esprit qui voient les Voltaire, Diderot, Rousseau, et la plupart desgrands penseurs de ce siècle présenter leurs opinions ou leurs nouveaux écrits à leurs pairs. Le plus souvent, les femmes ayant des sociétés sont issues d’une noblesse ancienne, ou en tout cas d’une famille de haut rang. C’est précisément ce renom que les philosophes recherchent, afin d’y trouver une meilleure visibilité. Certaines de ces femmes ont elles-mêmes publié leurs écrits, mais comme lesouligne J. de Viguerie, elles sont surtout connues à travers les différentes correspondances qu’elles entretenaient avec leurs amis1. Les femmes écrivains, elles, n’ont pas systématiquement une société, mais elles prennent aussi progressivement de l’importance. En parcourant notre corpus de contes, on s’aperçoit que plusieurs personnages féminins revêtent un rôle principal, voire dans certains casdominant. On y trouve aussi des contes rédigés par des femmes, et notamment le Noble d’Isabelle de Charrière, dont on aura l’occasion de parler plus loin. Dès lors, on peut se demander si les figures féminines mises en scène dans nos contes sont le reflet de cette position de la femme au XVIIIe siècle, ou si plutôt elles sont une manière de contester une position inégale vis-à-vis de l’homme. En quoices figures traduisent-elles les changements qui traversent ce siècle et les différentes théories qui caractérisent la question de la femme?

1

Jean de VIGUERIE, Filles des Lumières, femmes et sociétés d’esprit à Paris au XVIIIe siècle, Bouère, Dominique Martin Morin, 2007, p. 11.

2

Séminaire d’histoire littéraire Les contes au XVIIIe siècle

Pour répondre à ces questions, nouschoisirons quatre contes2, à partir desquels nous verrons comment ces figures féminines dominantes se manifestent, quelle est la typologie qu’on peut en tirer et à quelle conception de la femme elles peuvent se rattacher. De la femme simplement dominante à la femme revendicatrice La Belle, Elise, Julie et la marquise de Lisban, telles sont les figures féminines qui nous intéresserons. Mais s’il estutile de recenser les personnages féminins dominants de ces contes, il l’est d’autant plus de les classer dans des catégories, et d’en tracer les caractéristiques essentielles, afin de mieux les rapprocher de la réalité sociale de l’époque. On distinguera donc trois types de femmes dominantes, classées selon les propriétés dominatrices de chacune, la manière active ou passive d’exercer leurdomination, et leur conscience ou non d’une inégalité entre les sexes. La première catégorie est en quelque sorte la plus faible, puisque c’est celle qui fait fonctionner le moins de critères dans la construction de la domination. Elle concerne surtout Elise dans Le Mari sylphe, en ce sens qu’elle est ce que nous pourrions appeler une femme dominante3 uniquement grâce à ses qualités de femme. Cettedénomination n’a de sens que si l’on fait fonctionner un certain stéréotype de la femme dont les caractéristiques seraient d’être belle, gracieuse et délicate. Pour Volange, le mari d’Elise, ce sont ces qualités qui l’inciteront à vouloir redonner à tout prix la joie d’aimer à sa femme. Il est clairement soumis par des charmes naturels qui sont pour lui ce qui définit la femme idéale, et pour lesquels…