Le divertissement est lié à plusieurs concepts pascaliens : la misère, car c’est pour l’oublier qu’on se divertit ; la vanité, parce qu’il n’y a pas de preuve plus évidente de vanité que ce remède aux maux des hommes ; l’imagination, qui nous permet de fuir le présent, de nous détourner de ce que nous sommes réellement. En effet, le divertissement, au sens pascalien, est le moyen qui nousdétourne de nous-mêmes, qui nous empêche de regarder la réalité en face. Dans le fragment 124, il nous dit : « les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux de n’y point penser ».
Dans quelle mesure le divertissement est-il une force trompeuse, en particulier pour l’homme ?
Dans un premier temps, nous expliquerons ce qu’est le divertissementselon Pascal, puis, dans un second temps, nous verrons pour quelles raisons il peut être considéré comme une « puissance trompeuse ».
Premiere partie :
Pascal désigne par divertissement toutes les activités qui nous évitent l’ennui et qui nous empêchent de réfléchir sur nous-mêmes. Il considère les loisirs tels que la chasse, le jeu ou la danse comme des divertissements, ainsi que toutes lesactivités dites « sérieuses » comme la guerre, la politique ou la recherche scientifique. Sans le divertissement l’homme serait accablé par sa petitesse et la peur de mourir, il ne connaîtrait pas un instant de bonheur et de repos.
Pour Pascal l’ennui est une « misère sans cause ». Dans le fragment 139-136, pour lui « tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoirdemeurer en repos dans une chambre ». La raison qui fait que l’homme ne peut pas rester face à face avec lui-même, c’est qu’alors il prend conscience de son malheur existentiel dans l’expérience de l’ennui qui entraîne nécessairement la tristesse, le désespoir. C’est pour échapper à cela que l’homme se jette dans l’agitation qui le détourne de ses préoccupations existentielles et de sa condition demortel. Le divertissement est le mouvement qui nous entraîne hors de nous. Nous préférons les tourments d’un emploi, d’une charge, d’affaires plutôt que de penser à ce que nous sommes, d’où nous venons.
il nous donne l’exemple du roi qui « occupe le plus beau poste du monde » et qui peut se procurer toutes les satisfactions. Ce roi est entouré de courtisans qui le divertissent et l’empêchent de penserà lui-même, car s’il se retrouve seul face à lui-même, il sera aussi malheureux qu’un autre homme. La cour est le lieu où se tient les deux formes du divertissement, on y traite les grandes affaires mais aussi c’est le lieu des plaisirs et des jeux par excellence. « un roi sans divertissement est un homme plein de misères »
Pascal met en évidence une contradiction dans cette idée dedivertissement, en effet, l’homme s’agite parce que le repos lui est insupportable mais paradoxalement selon le philosophe dans l’agitation même il y a une aspiration profonde au repos. Pascal illustre son idée avec l’exemple du chasseur.
Un chasseur pense que le lièvre est le but final de sa chasse et que le plaisir de le posséder lui fait accepter toutes les fatigues qu’il se donne pour cela. Mais pourtantil ne voudrait pas l’avoir acheter, donc l’objet qu’il cherche ne le satisfait pas. La chasse ne fait que le détourner de penser à lui-même, c’est la chasse qu’il recherche et non le but de sa chasse. Il croit sincèrement chercher le repos et ne cherche en fait que l’agitation.
L’agitation de tout cela et l’illusion du repos à venir sont liées dans l’idée du divertissement. Si l’on atteintl’objet désiré, l’ennui suivra toujours. Pascal qualifie de vanité le fait de penser que la possession des choses que les hommes recherchent puisse les rendre heureux.
Bien qu’il condamne le divertissement, Pascal reconnaît, au fragment 139-136, que « Sans le divertissement il n’y a point de joie ; avec le divertissement il n’y a point de tristesse ». Mais le bonheur procuré par le divertissement…