Commentaire
La mort du Loup, d’Alfred de Vigny
C’est dans un contexte de souffrance et de solitude que Vigny écrivit « la mort du Loup » en 1843 : le poète a en effet perdu sa mère et coupé les ponts avec sa femme et ses amis. Ce poème rédigé en alexandrins dépeint une chasse nocturne du point de vue du chasseur, qui s’achève par la mort héroïque et empreinte de sens du mâle d’une famille deloups. L’objectif de Vigny est de se servir de l’image du Loup comme exemple pour l’humanité. Nous étudierons la mise en place d’un cadre ou fantastique et réalisme se rejoignent, puis le changement progressif de statut du loup au cours de l’action, et enfin le sens profond dissimulé derrière le seul récit de chasse, tel la substantifique moelle dont il est question dans la célèbre métaphore deFrançois Rabelais.
La mise en place du cadre de l’action est très travaillée par Vigny. En effet, le poète, dès les premiers vers, dépeint un tableau réaliste des lieux : les nuages « les nuages couraient sur la lune enflammée […] », la lune, les bois « et les bois étaient noirs jusqu’à l’horizon », le gazon, la bruyère, les branches, les sapins, les Landes, les loups, les chênes, la plaine, levent, les terres, le ciel, les rocs, le sable et les bruyères. Ici la nature est très présente. Un tableau se dessine très rapidement dans l’esprit du lecteur, ce qui a sur lui un effet rassurant : il sait précisément où se déroulera l’action. Cette description des lieux s’achève avec la découverte des louveteaux « qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères ». Les sens sont également trèssollicités : l’ouie tout d’abord, avec les expressions »sans parler » ; « ne poussaient pas un soupir » ; « nous avons écouté » ; « criait », indiquant que les chasseurs sont aux aguets, puis la vue avec « nous avons aperçu » v.7 et « a regardé » v.20.
Ce tableau est inquiétant sur de nombreux points, et est imprégné de l’univers fantastique. La nature est personnifiée par Vignt, comme on peut l’apercevoir àtravers de nombreux exemples tels « les chênes (…) semblaient endormis et couchés » v.15 et 16 ou « les nuages couraient » v.1. L’ambiance est elle aussi effrayante et contrastée : le contraste de l’obscurité et de la lumière tout d’abord, cette dernière représentée dans la métaphore de « la lune enflammée » v.1 et dans la comparaison « comme sur l’incendie » v.2. L’obscurité, elle, est présente à travers »les bois noirs ». Ce contraste est retrouvé dans le vers 25 : « les lueurs trop blanches des armes qu’il faut cacher au milieu des branches sombres », créant ainsi une impression d’imminence du combat et la présence toute proche de la Faucheuse. Les « deux yeux qui flamboyaient » v.28 accentuent plus encore l’effet inquiétant de la scène. Enfin, le silence des lieux, troublé uniquement par « lagirouette en deuil qui criait », pose le point sur le « i » du mot « angoissant ».
Tout au long du poème, le loup va progressivement changer de statut. En effet, au commencement, il est perçu comme une créature sauvage et dangereuse, comme on peut s’en rendre compte à travers des groupes nominaux référant à une bête féroce : « les grands ongles marqués » v.7, les « marques récentes » v.21, les « griffespuissantes » v.22, « les yeux qui flamboyaient » v.28, « leurs ongles crochus » v.41 et les « mâchoires de fer » v.47.
Mais peu à peu, une atmosphère plus familiale s’installe : les louveteaux sont en effet peu menaçants : ils dansent et ils jouent. Quant à la scène familiale, elle est comparée à celle des « lévriers joyeux » v.32. L’animal sauvage est donc ici mis sur le même pied que l’animal domestique.Quant à la femelle de la famille, elle est comparée à la « Louve Nourricière », mère de Remus et Romulus, les fondateurs légendaires de Rome. Nous avons donc ici affaire une figure maternelle donc rassurante ce qui éloigne donc l’impression de cruauté de l’animal dégagée au début. Malgré cela, les chasseurs sont toujours déterminés à abattre le loup.
Le tableau suivant est à la fois sanglant et…