Jean-Claude Kaufmann analyse la façon dont les normes naissent et se structurent dans la vie sociale contemporaine. Alors que les sociétés anciennes étaient dominées par la reproduction des modèlesde comportement hérités (le fils du paysan ou, au contraire, du noble agissait à la manière de son père), la société contemporaine (depuis les années 1960) semble marquée par la liberté des choixindividuels et la diversité des comportements.
La sociologie de Kaufmann consiste à mettre à jour les enjeux cachés des rapports sociaux et à montrer que cette liberté n’est qu’une façade : les espacespacifiés où se manifeste cette diversité de comportements (comme la plage européenne où certaines femmes dénudent leur poitrine et d’autres non) sont en effet régis par des normes implicites (ainsiles hommes évitent de regarder de façon appuyée les femmes dénudées sur la plage, ce qui témoigne d’un important contrôle de soi, fruit de la socialisation et de ce que Norbert Elias a appelé la «civilisation des mœurs »). Selon ses analyses, l’acteur individuel hérite avant tout de son histoire personnelle et sociale. La société contemporaine l’amène à être confronté à travers ses interactionsavec autrui à d’autres modèles, multiples, divers et dans certains cas contradictoires entre eux : « ça ne va plus de soi », pourrait-on dire, et chacun doit s’engager dans une négociation plus ou moinsapprofondie avec autrui pour, par exemple, définir dans le couple quelle sera la répartition des tâches ménagères. Cela contraint l’individu contemporain à un travail réflexif sur soi qui débouche surune définition, souvent instable, de son identité.
L’identité personnelle, loin d’être héritée, est dans cette perspective un « travail » itératif, un processus constant au cours duquel l’individuest amené à déterminer son image de soi par ces négociations souvent longues et risquées avec autrui. Ce processus tend néanmoins à se stabiliser avec le temps et à transformer les effets de la…