Thème : Baroque
Ode de Théophile de Viau
Un corbeau devant moi croasse,
Une ombre offusque mes regards,
Deux belettes et deux renards
Traversent l’endroit où je passe,
Les pieds faillent à moncheval,
Mon laquais tombe du haut mal,
J’entends craqueter le tonnerre,
Un esprit se présente à moi,
J’ois Charon qui m’appelle à soi,
Je vois le centre de la terre.
Ce ruisseau remonte en sasource,
Un bouf gravit sur un clocher,
Le sang coule de ce rocher,
Un aspic s’accouple d’une ourse,
Sur le haut d’une vieille tour
Un serpent déchire un vautour,
Le feu brûle dedans la glace,Le Soleil est devenu noir,
Je vois la Lune qui va choir,
Cet arbre est sorti de sa place.
Tristan L’HERMITE(1601-1655), « Beau monstre de Nature… »
Beau monstre de Nature, il est vrai, ton visageEst noir au dernier point mais beau parfaitement
Et l’ébène poli qui te sert d’ornement
Sur le plus blanc ivoire emporte l’avantage.
O merveille divine inconnue à notre âge
Qu’un objet ténébreuxluise si clairement
Et qu’un charbon éteint brûle plus vivement
Que ceux qui de la flamme entretiennent l’usage.
Entre ces noires mains je mets ma liberté :
Moi qui fut invincible à tout autrebeauté
Une More m’embrase, une esclave me dompte
Mais cache toi, Soleil, toi qui viens en ces lieux
D’où cet astre est venu qui porte pour ta honte
la nuit sur son visage et le jour dans ses yeux.Sonnet in mépris de la vie et consolation contre la mort de Jean-Baptiste Chassignet
Mortel pense quel est dessous la couverture
D’un charnier mortuaire un corps mangé de vers,
Décharné, dénervé,où les os découverts,
Dépoulpés, dénoués, délaissent leur jointure :
Ici l’une des mains tombe de pourriture,
Les yeux d’autre côté détournés à l’envers
Se distillent en glaire, et les musclesdivers
Servent aux vers goulus d’ordinaire pâture :
Le ventre déchiré cornant de puanteur
Infecte l’air voisin de mauvaise senteur,
Et le nez mi-rongé difforme le visage ;
Puis connaissant…