Albert cohen, le livre de ma mère, extrait

Albert Cohen, Le Livre de ma mère, Extrait

Texte étudié
Ô mon passé, ma petite enfance, ô chambrette, coussins brodés de petits chats rassurants, vertueuses chromos, conforts et confitures, tisanes, pâtes pectorales, arnica, papillon du gaz dans la cuisine, sirop d’orgeat, antiques dentelles, odeurs, naphtalines, veilleuses de porcelaine, petits baisers du soir, baisers de Maman qui medisait, après avoir bordé mon lit, que maintenant j’allais faire mon petit voyage dans la lune avec mon ami un écureuil. O mon enfance, gelées de coings, de bougies roses, journaux illustrés du jeudi, ours en peluche, convalescences chéries, anniversaires, lettres du Nouvel An sur du papier à dentelures, dindes de Noël, fables de La Fontaine idiotement récitées debout sur la table, bonbons à fleurettes,attentes des vacances, cerceaux, diabolos, petites mains sales, genoux écorchés et j’arrachais la croûte toujours trop tôt, balançoires des foires, cirque Alexandre où elle me menait une fois par an et auquel je pensais des mois à l’avance, cahiers neufs de la rentrée, sac d’école en faux léopard, plumiers japonais, plumiers à plusieurs étages, plumes sergent-major, plumes baïonnette de BlanzyPoure, goûters de pain et de chocolat, noyaux d’abricots thésaurisés, boîte à herboriser, billes d’agate, chansons de maman, leçons qu’elle me faisait repasser le matin, heures passées à la regarder cuisiner avec importance, enfance, petites paix, petits bonheurs, gâteaux de maman, sourires de maman, ô tout ce que je n’aurai plus, ô charmes, ô sons morts du passé, fumées enfuies et dissoutessaisons. Les rives s’éloignent. Ma mort approche.

Lecture analytique
Introduction

Nous allons étudier un extrait de « Le Livre de ma mère » d’Albert Cohen. Né en 1895, mort en 1981, Cohen fit ses études de droit et écrira toute sa vie en marge des modes et des courants, animé par le constant souci de dire son amour pour le peuple juif et sa grandeur. Il est l’auteur de « Belle du seigneur ». Ilperd sa mère en 1934. Ce livre peut-être présenté comme un roman autobiographique qui dans le cas présent est destiné à sa mère disparue et au narrateur lui-même. C’est le « roman de la mère » qui vise à l’idéaliser et à la faire revivre à jamais. C’est un hommage à sa mère morte qui est placée au centre de son autobiographie. Dans un premier temps, nous étudierons l’image de l’enfance heureuse,puis en second lieu nous analyserons le lyrisme et la réflexion sur la mort.

I – L’image de l’enfance heureuse

1 – Les possessifs

Il tente de reconquérir le bonheur indicible de l’enfance perdue toujours associée au visage de la mère, les possessifs ont à cet égard, une grand importance, « mon passé », « ma petite enfance », « mon lit », « mon petit voyage », « mon ami ». Lespossessifs dévoilent toute l’intimité de sa vie d’alors. L’enfant qu’il était, ses attachements, en fiat cela laisse transparaître les émotions de l’auteur, ils sont la marque de l’écriture autobiographique car ils en dévoilent une des caractéristiques, l’identité entre le personnage principal, le narrateur et l’auteur.

2 – L’image de la mère

La relation mère fils est au centre du récit.Son attachement est manifeste à travers les occurrences du mot « maman », « baisers de maman », « chansons de maman ». Elle est ainsi directement associée à ses souvenirs d’enfance les plus intimes. Elle est donc l’image vivante d’un passé, l’image maternelle, protectrice, rassurante, nourricière, « baisers », « chansons », « gâteaux ». Cela laisse entrevoir tout l’expression de sa tendresse et deson amour pour sa mère bien que disparue, toujours présente dans ses souvenirs et dans son cœur. L’image du bonheur domine.

3 – La vie au quotidien

Il semble que le quotidien de son enfance n’était fait que de bonnes choses favorisant ainsi une identification possible pour le lecteur qui rétrospectivement est susceptible de se reconnaître. L’utilisation de pluriel marque la quantité,…