Exposé – La vision des pauvres par un réformateur
1 Introduction
2
Ce document est l’extrait du Journal de l’Abbé de Véri ecclésiastique français (1724 – 1799) , ordonné grand vicaire de l’archevêque de Bourges en 1749, et dont les affinités politiques le menèrent à écrire son Journal publié en 1775, document de grande information sur l’état du royaume de Louis XVI. Nous avons doncici une vision purement subjective des pauvres dans la société de l’époque moderne, mais qui nous permet cependant de posséder quelques informations pratiques sur la manière dont étaient perçus les pauvres à cette époque.
Le contexte politique et social en 1775 est particulièrement agité. Entre le 18 avril et le 6 mai de cette année, le royaume connaît des troubles importants dus à la « guerredes farines », organisés par les spéculateurs contre les réformes de Turgot, inspecteur général des monnaies et recommandé par l’abbé de Véri lui-même, qui impose une interdiction de l’augmentation de la taxation et pas d’emprunt, et en supprimant le droit de hallage (droit seigneurial qui était dû au roi ou autre seigneur du lieu par les marchands pour la permission de vendre les grains), ce quisous-tend la liberté de vente et d’importation de ces grains. Cependant, cette décision provoque rapidement l’incompréhension et la colère de la part des paysans ; l’hiver 1774 est particulièrement rude, et le prix du pain s’en est fait largement ressentir jusqu’au printemps 1775. De cette situation jugée aujourd’hui comme une sorte d’avant-goût de la révolution française, il en résulte surtout unegrande famine, dû aux prix très élevés des grains, déjà en quantité insuffisante par rapport à la demande, mais également d’un stockage des exploitants qui ne peuvent plus écouler leurs provisions, par un effet à la fois de hausse des prix de leur part lorsque personne ne peut se payer ces grains.
C’est avec tous ces facteurs que l’étude cet extrait du Journal de l’abbé de Véri nous mène à laproblématique suivante : en quoi ce texte apporte-t-il un éclairage sur la condition des mendiants au XVIIIème siècle ? Pour élucider cette question, nous étudierons tout d’abord la condition des mendiants telle que décrite par l’abbé de Véri, les problèmes soulevés par ce dernier, qui constitue en grande partie une critique du système social de son époque, et enfin les deux propositions pourrésorber la situation proposées par le réformateur.
3 I. La condition des mendiants
1 A. Une évolution du statut la pauvreté
Les mendiants et les vagabonds sont définis au cours du 17e siècle, et cette définition étant valable jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, comme suit ; pour le mendiant, dans Traité de la pauvreté évangélique (1634) par Jean-Pierre Camus : « qui est non seulement privé detout revenus, mais réduit à tel point de misère qu’il ne peut gagner sa vie de son travail, encore qu’il le désirait, soit qu’il en soit empêché par infirmités et maladies, soit par manquement d’emploi, étant en pleine santé et ayant une industrie suffisante si elle était mise en besogne ». Pour les vagabonds, le constat est plus dur, dans un édit de 1666 : « seront déclarés comme vagabonds, etgens sans aveu, ceux qui n’auront aucune profession ni métier, ni aucun bien pour subsister ; ceux qui ne pourront faire certifier de leurs bonnes vies et moeurs par personne de probité, connues et digne de foi, et qui soient de condition honnête ».
Le statut du mendiant a évolué au fil des siècles ; s’il est valorisé au sein de la société du Moyen Age, la vision de la société sur eux setransforme peu à peu ; il devient alors un problème « à détruire » et n’est plus uniquement la préoccupation des instances religieuses mais bien « l’objet de réflexions politiques ». Nous notons ici de la part d’un abbé particulièrement influent et notable de la hiérarchie de l’Eglise chrétienne réformatrice une volonté de montrer l’exemple, et sûrement une illustration d’un ressenti commun. Si les…