Bien souvent, la genèse du concept de totalitarisme est attribuée à la philosophe Hannah Arendt, alors qu’elle a lieu dans l’entre-deux-guerres. L’adjectif « totalitaire » (« totalitario ») apparuten Italie dès le mois de mai 1923 (on prête parfois son invention à Giovanni Amendola[3],[4], opposant et victime du fascisme). Ce concept fut d’emblée un instrument de lutte politique. Son emploi serépandit de manière péjorative dans les milieux antifascistes italiens. En 1925, les théoriciens du fascisme reprirent de manière opportuniste le terme à leur compte, en lui attribuant une connotationpositive. Benito Mussolini exaltait sa « farouche volonté totalitaire », appelée à délivrer la société des oppositions et des conflits d’intérêts[5]. Giovanni Gentile, théoricien du fascisme, mentionnale totalitarisme dans l’article « doctrine du fascisme » qu’il écrivit pour Enciclopedia Italiana et dans lequel il affirma que « … pour le fasciste tout est dans l’État et rien d’humain et despirituel n’existe et il a encore moins de valeur hors de l’État. En ce sens le fascisme est totalitaire…[6] ». Dans la seconde moitié des années 1920, l’ancien président du Conseil des ministresitalien Francesco Saverio Nitti « aurait le premier établi des rapprochements entre la structure du fascisme italien et le bolchevisme[7] ».
Benito Mussolini et Adolf Hitler.L’écrivain allemand ErnstJünger, par son exaltation de la « mobilisation totale », décrit les contours du totalitarisme[8]. Il célèbre la guerre et la technique moderne comme annonciatrices d’un nouvel ordre, incarné par lafigure de l’ouvrier-soldat, œuvrant au sein d’une société encadrée et disciplinée comme une armée. Selon lui, la Première Guerre mondiale avait marqué un tournant historique vers cette forme nouvellede civilisation : pour la première fois dans l’histoire de l’Europe, les forces humaines et matérielles du monde industriel moderne avaient été mobilisées dans leur « totalité » pour accomplir…