Le travail des petites bonnes

Petites bonnes, grandes souffrances

Un sondage supervisé par le Haut Commissariat au plan a révélé l’ampleur du drame que vivent des milliers de petites filles employées de maison à un âge où elle devraient être en école maternelle. Maltraitées dans leur majorité, elles finissent souvent au trottoir. Une honte pour la société toute entière.
Petites bonnes, bonnes à tout faire. Entrevaisselle, ménage et garde d’enfants, les corvées pour ces fillettes sont longues et pénibles.
Placées dès la petite enfance par leurs parents dans des familles, elles font office de domestiques. Souvent battues ou maltraitées, elles vivent dans des conditions précaires, ne voyant leur parent que le jour où celui-ci vient chercher la paie, souvent ridicule, et dont la petite fille ne jouit nullement.Le Haut commissariat au plan vient de publier une enquête sur les filles domestiques à Casablanca, région qui connaît une forte concentration de ces jeunes employées de maison. Les chiffres portent essentiellement sur leurs conditions d’accueil et de travail. Réalisée par sondage sur un échantillon de 529 filles domestiques, cette enquête a révélé que ces filles travaillent chez des ménages, etrésident, à proportions quasi-égales, dans tous les types d’habitat.

Intermédiaires

Par ailleurs, la grande majorité des employeurs ignorent les préoccupations et les problèmes concernant les filles qu’ils emploient.
L’enquête a avancé le nombre de petites bonnes âgées de moins de 18 ans qui travaillent dans la région du Grand Casablanca. Elles sont 22.940 domestiques, dont 59% âgées de moinsde 15 ans. La grande majorité de ces filles est issue du milieu rural. Elles appartiennent à des familles nombreuses, et plusieurs sont orphelines de père.
Cependant 20% de filles trouvent un emploi à travers des intermédiaires, généralement à travers des agences informelles.
Ce recours à un travail intervient à un âge très précoce dans la mesure où l’âge moyen de la fille domestique se situe à10 ans. Certaines de ces domestiques ont même déclaré être âgées de 5 à 7 ans. Certaines familles emploient ces petites avec la meilleure bonne conscience qui soit. « On a tiré cette fille du village. De toute manière, dans ce village, il n’y a pas d’école. Par conséquent, elle n’aurait jamais été à l’école. Au moins, là, elle mange et on lui apprend un peu quelque chose », déclare une employeuse.Cependant, l’écrasante majorité de ces domestiques sont analphabètes, leur non-scolarisation est due essentiellement au manque de moyens, au refus du tuteur, ou à l’éloignement de l’école. Le second volet de l’enquête a porté sur les conditions de travail de ces fillettes. Ces dernières continuent d’entretenir des contacts avec leurs familles en recevant les visites de leurs parents, ou en rendantelles-mêmes visite à ces derniers. Les parents se rendent au ménage employeur essentiellement pour percevoir le salaire de leur fille, mais se déplacent rarement pour s’enquérir de ses conditions de vie. En plus des travaux ménagers, la majorité de ces filles se chargent également des courses. « J’accomplis simultanément trois tâches : la garde des bébés, les courses et l’accompagnement desenfants de l’employeur à l’école », se plaint Sanaâ, une petite bonne âgée de 13 ans. Les filles domestiques sont les premières à se lever et les dernières à se coucher. Une partie d’entre elles ne bénéficie ni de congé annuel, ni de jours de repos, ni jours de fêtes. Le montant de leur rémunération mensuelle reste malgré cela, globalement trop faible.
Il passe, en fonction de l’âge d’un minimum de220 DH pour les filles de 7 à 10 ans, à un maximum de 500 DH pour les filles âgées de 15 à 17 ans. Les filles d’âge intermédiaire perçoivent en moyenne 347 DH.
Ces filles sont non seulement mal payées, mais font également l’objet, dans l’exercice de leurs tâches, de punitions, de sanctions et d’abus. La majorité font l’objet de réprimandes. 55% ont été battues, et 5% ont déclaré avoir subi des…