* Jacques DAVY DU PERRON (1555-1618)
Au bord tristement doux des eaux, je me retire
Au bord tristement doux des eaux, je me retire,
Et voiscouler ensemble, et les eaux, et mes jours,
Je m’y vois sec, et pâle, et si j’aime toujours
Leur rêveuse mollesse où ma peine se mire.
Au plussecret des bois je conte mon martyre,
Je pleure mon martyre en chantant mes amours,
Et si j’aime les bois et les bois les plus sourds,
Quand j’aijeté mes cris, me les viennent redire.
Dame dont les beautés me possèdent si fort,
Qu’étant absent de vous je n’aime que la mort,
Les eaux envotre absence, et les bois me consolent.
Je vois dedans les eaux, j’entends dedans les bois,
L’image de mon teint, et celle de ma voix,
Comme toutce grand monde a forme circulaire,
Chaque partie aussi fait un cercle agissant ;
Chacun des éléments, dedans l’autre passant,
Se tourne,retournant au repos de sa sphère.
Le soleil rond se tourne en sa course ordinaire,
En rond la lune tourne, et forme son croissant ;
Où chaque cielcommence il devient finissant,
Ainsi que tous les corps du monde élémentaire.
L’ange se réfléchit vers celui qui l’a fait,
Ce grand tour, dont lecentre est partout si parfait,
Et dont le cercle est tel qu’on ne le peut comprendre.
Homme, contemple en toi ces deux cercles précieux :
L’âme,qui vient du ciel, doit retourner aux cieux,
Le corps, de cendre fait, doit retourner en cendre.
Toutes peintes de morts qui nagent, et qui volent.