Commentaire composé de la Chanson de Roland
La Chanson de Roland est une chanson de geste composée au 11ème siècle. Elle fait partie de l’ensemble appelé Le Cycle de Charlemagne, dont elle est le premier volet. Ce cycle rend compte des exploits guerriers de Charlemagne et de ses hommes. Comme toute chanson de geste, c’est l’aspect épique que l’on remarque le plus. Cependant, l’extrait de laMort de Roland que nous allons étudier est beaucoup plus tragique qu’épique. C’est la fin de la chanson de geste, ce qui donne à cet extrait une grande valeur dans l’analyse de l’œuvre. Nous verrons comment l’auteur dépeint l’idéal chevaleresque accompli jusque dans la mort, grâce à sa description de Roland. Enfin nous étudierons la valeur symbolique, humaine et religieuse de ce passage.
I.L’idéal chevaleresque accompli dans la clôture du récit
1. Préparation à la mort, préparation à la fin du récit
Dans la première partie de cet extrait on remarque de frappantes répétitions de vers, qui renforcent le pathétisme de la scène. Le lecteur prend conscience que la fin du récit est proche, ainsi que celle de Roland. En effet, aux v1, v3, v12, v21, on observe deux répétitionsdifférentes : « Roland sent que la fin est proche » v1/ « Roland le sent, sa vie est épuisée » v12 et : « Dessous un pin il est allé courant » v3/ « Le comte Roland git dessous un pin ». Ces répétitions forcent le lecteur à s’imaginer Roland souffrir, allongé sous un pin, en train de mourir. En lisant ces vers, on ne peut pas s’empêcher de se figurer le Chevalier à l’agonie. De cette manière, le narrateurrenforce le pathétisme du tableau. De plus, cet effet de style permet au narrateur de préparer son public à la fin du récit, en renforçant le rythme du poème. Il ne faut pas oublier que les chansons de geste sont chantées et que cet effet de répétition doit être beaucoup plus visible lorsqu’on l’entend, plutôt qu’on ne la lit.
Dans cette première partie de l’extrait, plusieurs symboles permettent debrosser un portrait plus précis de Roland et de son état d’esprit à la fin de sa vie. Finement, le narrateur rapproche deux objets : Durandal, l’épée de Roland et son olifant : « Dessous lui met l’épée et l’olifant » v5. Ces deux objets laissent entrevoir les épisodes précédents du récit, tout en rappelant « l’erreur » de Roland. S’il est en train de mourir, c’est parce qu’il a fait enterré tousses amis et soldats morts au combat. Il a décidé de les faire bénir, et de leur donner une sépulture chrétienne. Il n’a en effet pas pu partir plus tôt et les montagnards l’ont trouvé. Sa bravoure et son orgueil l’ont mis en péril, ainsi que sa piété. Roland est donc décrit comme un bon chrétien, mais malgré tout un peu orgueilleux. L’épée rappelle sa bravoure et son rang de chevalier, tandisque l’olifant rappelle l’appel à l’aide qu’il n’a pas donné assez tôt. Ces deux objets rappellent ensemble les circonstances de la situation, et le douloureux échec de Roland.
Outre l’utilisation de ces deux objets de manière symbolique, on peut aussi remarquer que l’échec de la vie et l’échec de Roland contre les païens est marqué aux vers 6 à 9, v13, v22. Roland tourne sa tête vers l’Espagne etregarde avec regret les païens : « tourna la tête vers la païenne gent » v6. Ces répétitions renforcent aussi le pathétisme de la scène, et permettent de rendre compte de l’état d’esprit de Roland. Il n’est pas près à abandonner la vie, il voudrait retourner au combat et finir sa guerre sainte.
De plus, il est important de noter qu’un autre fort symbole, construit encore sur une dualité commenceà faire son apparition dans le récit. Le narrateur prépare la montée au ciel de Roland et oppose savamment les éléments terrestres et les éléments célestes. En effet si on regarde les v3, v4, v13, v21, on trouve deux champs lexicaux importants. D’abord celui de la terre : « un mont aigu » v13, « un pin » v3, « l’herbe verte » v4, et enfin celui de l’horizontalité « s’est couché » v4,…