Loosfelt Raphaël
Kebra Nagast ou la Gloire des Rois
Verset 86, 87 et Colophon
Introduction :
Le document qui nous intéresse ici présente deux extraits du Kebra nagast traduits en Français par Gérard Colin. Les paragraphes 86-87 sont suivis du colophon de l’ouvrage. La gloire des rois constitue un ouvrage d’une étendue considérable selon les critères locaux, cent pages de grandsformats en traduction française. La vingtaine de manuscrits conservés montre que le Kebra nagast a connu une diffusion assez importante mais pas comparable à celle des textes d’emploi quotidien, comme la collection de vie de personnages saints appelée synaxaire dont les exemplaires se comptent par centaines. La gloire des rois ne figure jamais seule dans un manuscrit, elle peut faire suite à deslivres historiques de l’ancien testament ( Samuel 1 et 2, Rois 1 et 2, Paralipomènes 1 et 2), précéder une histoire à prétention universelle (chronique de l’évêque Jean de Nikiou), accompagner le roman d’Alexandre ou le Physiologue, introduire une liste de fiefs et de donations de la cathédrale d’Axoum.
Le fil conducteur de la Gloire des rois est l’exaltation de la monarchie éthiopienne, la plusgrande de toutes, à travers la personne des souverains salomonides. Cette revendication est directement fondée sur la récupération dans le récit biblique de la visite que rendit la reine de Saba à Salomon. Le livre des Rois 1 (verset 1-10) relate brièvement l’entrevue de Salomon et la reine de Saba. Le Kebra nagast fait de la reine de Saba la mère du premier roi salomonien d’Axoum, Ménélik 1, etde yekounno-Amlak son descendant en ligne directe. Il relate que Saint Grégoire « l’illuminateur », patriarche d’Arménie, expose aux 318 Pères du concile de Nicée, les origines du genre humain et son histoire ancestrale. Puis un certain patriarche Byzantin, Domicien, mentionne aux 318 Pères la découverte à Sainte-Sophie d’un manuscrit qui relate les circonstances dans lesquelles la reine de Saba(reine identifiée à l’Ethiopie), également appelée Makeda, aurait eu de Salomon un fils nommé Ménélik qui grandit à Jérusalem, revint en Ethiopie avec l’Arche d’Alliance qu’il conserva dans le sanctuaire d’Axoum. Puis Jérusalem aurait été conquise par l’empereur de Byzance et le roi d’Ethiopie. Ménélik serait alors devenu le plus grand roi de toute la terre.
Dans ce texte, l’éthiopisation dela reine de Saba et la conception d’un enfant avec Salomon, la place à l’origine de la christianisation de l’Ethiopie. Le livre sert ici de lien entre le monde biblique et le monde éthiopien.
Les deux paragraphes que nous allons étudier évoquent le déroulement de la passation de pouvoir et l’investiture du roi Ménélik par sa mère, Makéda, la reine de Saba, reine d’Ethiopie. Cette investituretraditionnelle commence par la remise de tous les attributs royaux, suivit par le serment des dignitaires d’Ethiopie portant sur la patrilinéarité qui doit désormais faire office de loi fondatrice du renouvellement « de la forme du royaume ». Ce renouvellement est aussi symbolisé par l’arrivée de l’arche d’alliance, au sein de la Tente du témoignage, c’est-à-dire à l’église Sainte Marie de Sion àAxoum, point de départ de la conversion des Ethiopiens au christianisme et du rejet de leurs idoles. Le récit de cette conversion s’articule autour de la glorification du peuple éthiopien, le nouveau peuple élu, au détriment du peuple israëlite, abandonné par son Dieu et dépossédé du symbole de son alliance passée avec lui. La suite du texte met l’accent sur la double investiture traditionnelle etdivine dont fait l’objet le nouveau roi d’Ethiopie qui lui confère à la fois une légitimité de continuité dynastique et une légitimité divine symbolisée par le récit du cérémoniel de l’onction sacrée, effectuée par le grand prêtre Sadoq au Temple de Jérusalem. Ce texte se situe donc au moment du retour de Ménélik qui correspond à la conversion de l’Ethiopie à la religion des israëlites et à…