Turcs d’Europe : une présence diasporique unique par son poids démographique et sa complexité sociale
Introduction
L’IMMIGRATION TURQUE EN EUROPE.
COMMUNAUTÉ(S), POPULATION IMMIGRÉE(S) :
GRILLE DE LECTURE DES ÉCHELLES GÉOGRAPHIQUES
ET DES STRUCTURES SOCIALES
Stéphane de Tapia
Cet La Turquie, puissance régionale et
pivot géopolitique
Par Jean-Sylvestre MONGRENIER
Chercheur associé àl’Institut Thomas More, Chercheur à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII
Vincennes-Saint-Denis). Auteur du Dictionnaire géopolitique de la défense européenne (ed. Unicomm, 2005), de
La France, l’Europe, l’OTAN : une approche géopolitique de l’atlantisme français (ed. Unicomm, 2006), co-auteur
de La Russie, de Poutine à Medvedev (Institut Thomas More/DAS, ed. Unicomm, 2008).Toutarticle d’Ural Manço est extrait de A. MANÇO (éd.), Turquie : vers de nouveaux horizons migratoires ?, Paris, Turin, Budapest, L’Harmattan, coll. « Compétences interculturelles », 2004, 308 p., 26 euros
« La Turquie, vous connaissez ? », telle était, il y a quelques années, l’interrogation lancée par une affiche du Ministère turc du tourisme et de l’information qui vantait les attraitstouristiques du pays. Les Turcs se plaignent volontiers d’être peu ou mal connus à l’étranger : le slogan publicitaire est révélateur. A l’instar du pays qu’ils ont quitté pour l’Europe occidentale, la population immigrée originaire de Turquie souffre souvent de la même méconnaissance. Pourtant ce groupe qu’il convient de nommer les Turcs d’Europe représente la catégorie nationale la plus importante dansl’immigration en provenance de pays tiers. Le quart de la population non communautaire qui vit dans l’Union européenne est originaire de Turquie.
Notre propos sera de souligner, dans la section 2, certains aspects de l’image imparfaite de la présence turque généralement véhiculée par les médias et perçue par l’opinion publique européenne. Des conceptions sociologiques européocentristes ont uneresponsabilité importante dans la production de cette image sociale. La section 3 nous permettra de proposer quelques corrections à cette image qui ne reflète guère la complexité de la réalité sociale immigrée. Mais avant toute autre chose, il est nécessaire d’exposer un certain nombre de faits qui définissent les structures socio-économiques, démographiques et culturelles de la population issue del’immigration originaire de Turquie (section 1).
1. Dimensions démographiques et socio-économiques de l’immigration originaire de Turquie en Europe occidentale
Quelles que soient les politiques d’immigration et la philosophie de l’intégration en vigueur, dans les pays d’accueil où ils sont implantés, les immigrés turcs semblent développer une certaine logique communautaire avec une viecollective aux liens sociaux denses et souvent confinée dans l’espace quasi insulaire d’un quartier populaire. La population turque en Europe paraît cultiver sa différence. Les Turcs de l’immigration sont occupés, semble-t-il, à tisser une identité diasporique transfrontalière unique en Europe par son ampleur et son poids démographique. Malgré les similitudes historiques et celles liées aux problèmessocio-économiques et culturels vécus par les différentes migrations, en comparaison d’autres migrations provenant du monde musulman et essentiellement de l’Afrique du Nord et des Balkans, l’émigration turque vers l’Europe est davantage marquée par son aspect tardif, ses origines rurales, sa concentration géographique, son caractère familial, sa préservation de la langue d’origine, ses faiblesqualifications économiques et, enfin, par son organisation associative et communautaire. Une analyse insuffisamment approfondie de ces faits se trouve à l’origine de l’image sociale tronquée de cette population.
1.1. Données structurelles démographiques et économiques des Turcs d’Europe
Sans même prendre en compte l’estimation officielle turque des 250 000 immigrants « clandestins », qui par nature…