Personnages – nuit des temps

Le docteur Simon
Le personnage principal du roman

Simon est le médecin de la mission française qui découvre le signal sous les glaces. Il demeure par la suite une des figures principales au sein de la communauté par les liens affectifs qu’il noue avec Éléa. Son portrait est donné au début du roman, alors qu’il est revenu du pôle sud, encore très marqué par l’histoire qu’il vient de vivre.Agé de trente-deux ans, il est grand, mince, porte une courte chevelure brune et une barbe bouclée. Ses yeux sont clairs et leur blanc est strié de rouge. Le docteur Simon apparaît dans le texte sous deux dénominations « Le docteur Simon » et « Simon », privilégiant tantôt sa fonction (d’ailleurs héritée de son père), tantôt l’homme. Ce nom très commun peut aussi être son prénom: on ne le voit àaucun moment de l’histoire désigné de façon à pouvoir inférer sur son identité complète. L’auteur, par cette désignation ambiguë, affirme le caractère solitaire du protagoniste, et facilite l’assimilation du lecteur au personnage. Il y trouve aussi l’occasion d’y accentuer sa proximité avec Éléa : lorsque celle-ci l’appelle, « Simon » apparaît bien plus être un prénom qu’un patronyme. Cetteappellation choisie de « Simon », évoque formellement la France à laquelle Barjavel est très attaché, au point d’en faire dans le roman une nation guidant les autres, ici comme dans Colomb de la Lune où elle est le premier pays à atteindre le sol de la Lune, ou dans Ravage, où elle accouchera du patriarche. Ce personnage proche du lecteur l’est d’autant plus que ce dernier connaît tout de lui grâce auxnombreux passages du livre en focalisation interne. Ce sont les chapitres qui apparaissent en italique dans les différentes éditions et qui permettent de connaître les pensées du docteur Simon, et uniquement les siennes, comme si le lecteur était le personnage. Cette focalisation interne est renforcée par l’utilisation de la première personne du singulier :

Je le savais. Je regardais teslèvres. Je les ai vues trembler d’amour au passage de son nom. Alors j’ai voulu te séparer de lui, tout de suite, brutalement, que tu saches que c’était fini, depuis le fond des temps, qu’il ne restait rien de lui, pas même un grain de poussière quelque part mille fois emporté par les marées et les vents, plus rien de lui et plus rien du reste, plus rien de rien… Que tes souvenirs étaient tirés duvide. Du néant. Que derrière toi il n’y avait plus que le noir, et que la lumière, l’espoir, la vie étaient ici dans notre présent, avec nous. J’ai tranché derrière toi avec une hache. Je t’ai fait mal. Mais toi, la première, en prononçant son nom, tu m’avais broyé le cœur.

Ces écrits de pensées confinés dans un chapitre propre, en focalisation interne usant de la première personne du singulier,se retrouvent dans le roman La Peau de César, lorsque le meurtrier se confie pour justifier son acte sanglant. C’est par le biais de cette focalisation que l’amour de Simon pour Éléa apparaît tout d’abord, un amour égoïste qu’il fera évoluer en une passion dévouée. Avec l’échec de la mission scientifique, son amour raté constitue l’autre grand enjeu non abouti du roman. Simon incarne l’archétypedu personnage classique et commun, dont Barjavel aime à animer les ressources et sentiments qui peuvent faire changer la face du monde. Il est le personnage qui fait le lien entre le passé représenté par Éléa et le présent, tout comme il fait le lien entre le Pôle Sud et le monde civilisé, le monde parisien. C’est également lui qui entretient le suspense en dévoilant le caractère dramatique desévénements, les influençant, même :

Il y a une façon bien simple de savoir s’ils sont morts ou vivants, dit la voix de Simon dans le diffuseur. Et en tant que médecin, j’estime que c’est notre devoir il faut essayer de les ranimer…

Depuis, je me répète qu’il était trop tard, que si j’avais crié, cela n’aurait rien changé, que je t’aurais simplement accablée sous le poids d’un désespoir…