L’assujettissement féminin au xviii

Dans quelle mesure le courant libertin peut être considéré comme progressiste ou comme un renforcement de l’assujettissement féminin ?

Il faut distinguer, lorsque l’on parle de courant libertin, le simple libertinage de pensées du XVIe siècle qui désignait les personnes sans religion, du libertinage de moeurs tel qu’il est dépeint dans l’œuvre de Choderlos de Laclos, Les Liaisons Dangereuses.Toutefois, le libertin de mœurs est forcément un libertin d’esprit puisque cette course effrénée pour la recherche du plaisir ne se fait pas dans le respect de la morale judéo-chrétienne. De plus, la femme occupe une place très particulière dans ce roman épistolaire, en effet, la Marquise de Merteuil n’est pas seulement une spectatrice passive de la comédie humaine, elle en est une actricebrillante. Enfin, ce rejet de la religion et la primauté de la raison sur la religion n’est pas sans rappeler le courant humaniste, nous pouvons donc nous demander si le courant libertin est effectivement progressiste ou au contraire un enlisement dans l’assujettissement féminin. Il sera successivement étudié la vision de la femme comme une proie puis l’aspect progressiste de ce courant et enfin lereniement de leur humanité. Dans un premier temps, il est vrai que nous pouvons considérer que le courant libertin est un renforcement de l’assujettissement féminin à travers les métaphores filées de la chasse et de la guerre et l’animalisation de la femme. En effet, tout au long du roman, et plus particulièrement sous la plume de Valmont et Merteuil, nous retrouvons la métaphore de la chasse et de laguerre pour la conquête amoureuse. Ces deux métaphores font de la femme à conquérir soit un gibier à abattre soit un ennemi à vaincre ; et c’est en ces termes que Valmont fait un compte rendu du « viol » de Cécile à Mme De Merteuil : « Sûr de saisir ma proie, si je pouvais la joindre, je n’avais besoin de ruse que pour m’en approcher ». (Lettre XCVI) La séduction amoureuse devient un véritable champde bataille où l’élaboration de stratégies est primordiale. Le libertin devient un grand guerrier, et en retire un orgueil sans pareil « Jugez moi comme Turenne ou Frédéric […] Je me suis donné, par de savantes manœuvres, le choix du terrain et celui des dispositions ; j’ai su inspirer la sécurité à l’ennemi, pour le joindre plus facilement dans sa retraite […] avant d’en venir au combat »(Valmont, lettre CXXV). La description de cette parade nuptiale place le libertin mâle dans une position de supériorité indiscutable, reniant tous faits extérieurs, ne prenant en compte que son habileté à la séduction. Enfin, les années 1780 sont relativement pacifiques, les hommes de guerre sont donc désœuvrés, il n’est donc pas étonnant que ces centres d’intérêts soient appliqués à la séductionamoureuse. De plus, dans ces métaphores, la femme occupe le rôle du « gibier » ou celui de l' »ennemi » si elle n’est pas considérée comme un moyen quelconque pour accéder au plaisir. Ni la femme, ni les sentiments, ni le désir qu’elle inspire ne sont une finalité. « Laissons le braconnier obscur tuer à l’affût le cerf qu’il a surpris ; le vrai chasseur doit le forcer. Ce projet est sublime, n’est-ce pas ? »(Valmont, lettre XXIII) ; Le Vicomte parle ici de la Présidente de Tourvel, qu’il se fait un devoir de séduire, et même plus, « ce n’est pas assez pour [lui] de la posséder, [il veut] qu’elle se livre » (Valmont, lettre CX). Plus qu’animalisée, la femme est ici réifiée. Elle est présentée comme insignifiante devant la toute puissance du Vicomte, elle n’est plus rien d’autre

qu’un animal qui sedébat avant sa longue agonie « Dans son effroi mortel, elle veut tenter encore de retourner en arrière ; elle épuise ses forces pour gravir péniblement un court espace » (Valmont, XCVI). La femme en tant que personne n’a donc aucune importance. Il y a seulement certaines femmes qui se distinguent par leurs qualités, leurs caractères ou bien ce qu’elles représentent, cela a le mérite de glorifier…