Commentaire de l’arrêt du conseil d’etat du 8 octobre 2004, union française pour la cohésion nationale

Commentaire d’arrêt
Conseil d’Etat 8 octobre 2004
UNION FRANCAISE POUR LA COHESION NATIONALE

I Un arrêt révélateur de l’approfondissement du contrôle juridictionnel opéré par le juge administratif sur les actes de l’administration

A- Certes, le juge administratif n’est pas le juge de la validité des lois (…)

Il est vrai que l’administration dans les actes qu’elle prend est soumise auxdispositions de la Constitution et autres normes appartenant au bloc de constitutionnalité (CE, 1960, Sté Eky ; CE, 1950 Dehaene) ;

Néanmoins, en application de la théorie de la loi écran, le juge administratif s’estime incompétent pour apprécier la conformité d’un acte administratif à la Constitution, lorsqu’une loi s’interpose : l’exercice d’un tel contrôle reviendrait à appréciernécessairement la constitutionnalité d’une loi, ce que le juge administratif s’est toujours refusé à faire (CE, 1936, Arrighi). Dés lors, le moyen tiré de la non-conformité de cette loi avec une disposition ou un principe constitutionnel est inopérant.

En fait, le juge administratif n’admet de contrôler la constitutionnalité d’un acte administratif que lorsque aucune loi ne fait écran (CE 1960, Sté Eky)et lorsque la loi qui s’interpose est un écran transparent : tel est le cas d’une loi qui prévoit seulement l’intervention du pouvoir réglementaire pour prendre des mesures d’application sans fixer aucune règle de fond (CE 1991, Quintin).

En l’espèce, la circulaire Fillon du 16 mai 2004 se borne à réitérer les termes de la loi du 15 mars 2004 (qui n’a pas été déférée au Conseil Constitutionnelà l’occasion de son adoption). Le moyen tiré d’une violation de l’article 1er de la Constitution (République…laïque) voire du principe fondamental reconnu par les lois de la République que constitue le principe de laïcité (dégagé par une décision CE 2001 SNES, se fondant sur la loi de séparation de 1905)…ne peut pas être valablement examiné par le juge administratif.

B- (…) Mais il étendu soncontrôle aux circulaires administratives (…)

Traditionnellement, le juge administratif se refuse à connaître des circulaires administratives, présumant qu’elles ne sont revêtues que d’un pur caractère interprétatif. En d’autres termes, faute de faire grief aux tiers, elles ne sauraient donner lieu à contestation contentieuse utile. Cette distinction entre circulaires interprétatives etcirculaires réglementaires, si elle remonte au début du XXème siècle, avait été clairement fixée par la décision d’Assemblée du Conseil d’Etat Institution Notre-Dame du Kreisker (1954).

A ce titre devaient être regardées comme des circulaires interprétatives les circulaires qui ne faisaient que commenter un texte, recommander un certain type de comportement, rappeler une solution. En fait, seules lescirculaires réglementaires, car contenant des règles nouvelles, pouvaient être contestées par la voie du recours pour excès de pouvoir. Or, cette jurisprudence a été renversée depuis l’arrêt CE Mme Duvignères du 18 décembre 2002.

Le Conseil d’Etat njuge depuis lors , que « l’interprétation que par voie, notamment de circulaires ou d’instructions l’autorité administrative donne des lois etrèglements qu’elle a pour mission de mettre en œuvre n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu’en soit le bien-fondé, faire grief ; qu’en revanche, les dispositions impératives à caractère général d’une circulaire ou d’une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de lesabroger ».

Il convient d’entendre par « dispositions impératives à caractère général » toutes les dispositions au moyen desquelles une autorité administrative vise soit à créer des droits ou des obligations, soit à exposer de manière univoque et non dubitative comment il faut appliquer une législation ou une réglementation. Tel est le cas en l’espèce de la circulaire Fillon du 16 mai 2004…