Mini-dissertation dur je suis une légende de robert matheson

Depuis le début du dix-neuvième siècle, le thème vampirique a été exploité de nombreuses fois. Cependant, selon les auteurs, il n’a pas eu la même signification. Souvent le vampire est le « méchant », le démon qu’il faut tuer pour rétablir l’ordre et la morale. Parfois, comme dans La Morte amoureuse de Théophile Gautier, il représente à l’inverse une tentative pour s’affranchir de cet ordre et decette morale ; ou mieux : une aspiration vers le bonheur et la liberté. Comme tout mythe, celui du vampire évolue avec les auteurs et s’adapte aux époques. Au dix-huitième siècle, les « vampires » supposés sont apparus en même temps que la peste, une maladie que les gens de l’époque connaissaient et redoutaient. C’est donc avec une certaine logique que Richard Matheson donne une origineépidémique au vampirisme dans Je suis une légende, roman publié en 1954. Cependant, l’épidémie a ici une origine humaine : une guerre, que l’on suppose être nucléaire (chapitre 6). Ainsi, Matheson réemploie le thème vampirique tout en le réactualisant, afin qu’il soit au plus près des peurs de ses contemporains. Le protagoniste, Robert Neville, est le dernier être humain sur Terre, tous les autres ayantmutés en vampires. Chaque jour il s’acharne à survivre et à percer le mystère de l’existence des vampires. Nous nous demanderons alors comment le vampirisme dans Je suis une légende s’émancipe du topos fantastico-religieux et en quoi il permet de repenser les rapports entre l’individu et la société. Nous montrerons l’importance de la science dans ce roman, puis nous analyserons la manière dont Nevilleréagit face à sa condition de dernier homme, avant de finalement traiter des rapports entre le héros et les diverses formes d’altérité, ainsi que de tenter de comprendre le renversement profond qu’induit le changement de société qui est révélé à la fin du livre.

D’emblée, la quête de vérité de Robert Neville se manifeste par le rejet de la superstition. En effet, bien qu’il ne puisse nierl’existence des vampires, il refuse la légende et cherche même à la réfuter. Il porte un regard ironique sur la conception traditionnelle du vampire, et n’attache guère d’importance aux anciens écrits qui s’y rapporte. Ainsi, il dit du Dracula de Stoker : « Ce livre était un ramassis de superstitions et de clichés feuilletonesques » (p. 32). Dans sa quête de la vérité, il considère donc les faits « ànus », dépouillés de leurs oripeaux de superstition et de folklore.
Cette attitude est celle d’un rationaliste ; mieux encore : c’est celle d’un scientifique. Il pense comme tel, et agit également comme tel. Dès lors qu’il établit une hypothèse, il cherche à la confirmer ou à l’infirmer par une expérience. Lorsqu’il cherche à comprendre comment l’ail agit sur les vampires, il établit l’hypothèse quele principe essentiel contenu dans l’ail détruit leur sang. Il injecte alors une seringue de ce produit dans le corps d’un vampire. L’expérience échoue, mais sa démarche est la bonne, puisqu’il finit par comprendre que les vampires sont allergiques à l’odeur de l’ail. À noter qu’il ne rechigne pas à se nourrir de connaissances livresques : c’est la conjugaison de la science des livres avec sonpropre empirisme qui lui permet de débrouiller, en partie, l’énigme du vampirisme.
Car celui-ci a bien une origine rationnellement explicable : les tempêtes de sable portent la bactérie, celle-ci est en état de sporulation durant la journée, etc. Le romancier échafaude une longue explication du vampirisme, remplie de termes techniques qui, pour le lecteur lambda, garantissent son réalisme. Leprotagoniste est obsédé par la science : « je ne crois plus que ce que je vois au microscope » (p. 179), dit-il. Cette obsession est emblématique de Je suis une légende. En effet, bien qu’il y ait des vampires dans ce roman, il n’est pas pour autant fantastique puisque chaque élément, même le plus petit, peut être expliqué rationnellement. Faire un roman sur les vampires, sans fantastique et…