L’école de la régulation, un projet inachevé

FONTAN, J.M., (2008), « L’école de la régulation, un projet inachevé », Cahiers de recherche sociologique, n. 45, janvier, pp. 11 à 26.

L’école de la régulation, un projet inachevé

Jean-Marc Fontan, département de sociologie, UQAM

Résumé

La double incapacité de l’école de la régulation de s’ouvrir à l’analyse de phénomènes non économiques et de prendre la juste mesure de l’impact dela mondialisation sur les formes institutionnelles de la modernité, et donc du déclassement de la centralité de l’État-nation, est-elle fondamentalement liée aux carences théoriques de cette école ? L’échec du marxisme à renaître de ses cendres traduit-il l’incapacité de développer une théorie critique matérialiste qui puisse s’ériger en théorie générale ? Tel n’est pas le point de vue que nousdéfendons. Au moment où une nouvelle question mondiale confronte l’humanité à ses propres inepties, nous pensons et avançons l’hypothèse qu’il est non seulement possible, mais aussi impératif d’effectuer un tel renouvellement.

Abstract

The regulation school has two limits- its lack of an analysis of non-economic phenomena and to take into account the impact of globalization on the institutionalforms of modernity, and therefore, the down playing of the centrality of the Nation State. Are these limits fundamentally linked to it theoretical shortcomings? Does the failure of Marxism to be reborn from its ashes translate into its incapacity to develop a critical materialist theory that can set itself up as a general theory? That is not the point that we are defending. At the moment when anew global issue confronts humanity with its own inabilities, we think and advance the hypothesis that it is not only possible but it is also an imperative to bring forward that renewal.

Resumen

La incapacidad de la escuela de la regulación de integrar elementos no económicos en su análisis y de medir de manera correcta el impacto de la mundialización sobre la formas institucionales de lamodernidad, y, por lo tanto, el impacto de la perdida de centralidad del Estado-nación, ¿puede ella ser considerada como la causa principal de sus carencias teóricas? El fracaso del marxismo en sus tentativas de renacer de sus cenizas ¿puede ser visto como un indicador de su incapacidad de desarrollar una teoría crítica, materialista, que pueda erigirse en una teoría general? Este no es el punto devista que defendemos. Por el contrario, en el momento en el cual una cuestión mundial nueva emerge y pone a la humanidad frente al efecto de sus errores, pensamos y planteamos la hipótesis que esta renovación teórica no solo es posible sino que también es imperativa.

Mots-clés

Citoyenneté, crise, démocratie, écologie, modernité, mondialité, providentialisme, régulation.

L’école de larégulation, un projet inachevé

Introduction

Incubée aux lendemains des grandes contestations de mai 1968, les résultats de recherche publiés par Michel Aglietta[1] en 1976 ont insufflé un souffle nouveau à l’analyse marxiste du capitalisme. Partie prenante du renouveau du paradigme institutionnaliste, la proposition s’est transformée en programme de travail au Centre pour la recherche économique etses applications (CEPREMAP)[2]. Le programme a rapidement fait école à l’échelle mondiale en mobilisant sur une dizaine d’années un nombre important d’intellectuels européens, des Amériques et d’Asie[3].

Trente années après la parution de l’œuvre fondatrice, nous constatons un essoufflement de cette école de pensée[4]. Deux éléments peuvent expliquer cette perte d’importance. D’une part,l’émergence de paradigmes concurrents, tels ceux de la régulation sociale[5], de l’économie des conventions,[6] de la sociologie de l’acteur-réseau[7], du Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales (MAUSS)[8] ou encore de l’économie sociale et solidaire[9]. Ces paradigmes ont innové en proposant, entre autres choses, une analyse combinée de faits économiques et non économiques à partir d’une…