La suspension de la loi

Introduction:

Les régimes exceptionnels désignent des ensembles de règles prévus pour faire face à des situations de crise. Ces régimes constituent une dérogation aux règles ordinaires et leur justification tient toujours à l´éventualité ou à l´existence d´une menace grave pour un intérêt public fondamental, dont la sauvegarde nécessiterait la suspension de tout ou une partie du cadrejuridique ordinaire de l´action de l´Etat.

Leur caractère dérogatoire peut consister dans une modification des règles de répartition de compétences ou dans un assouplissement des restrictions à l´intervention du pouvoir et une suspension des garanties des droits fondamentaux.

Plus précisément, on constate deux cas de régimes exceptionnels dans l´ordre juridique français: les régimes législatifs desétats d´urgence et de siège et le régime constitutionnel de l´article 16 de la Constitution. De plus, le régime conventionnel du droit de dérogation de l´article 15 de la Convention Européenne des Droits de l´Homme, dont les limites et les procédures de contrôle conditionnent les règlements internes de la France.

On peut donc se demander si ces deux méthodes de l´ordre juridique français misesen place pour confronter les circonstances exceptionnelles constituent en effet des régimes dans lesquelles la protection des droits fondamentaux est atténuée, d´une partie par les conditions et procédures nécessaires pour leur mise en place et d´autre partie par les mécanismes de contrôle et sanction prévus pour les atténuer.

Nous allons donc dans une première partie examiner les conditionset les procédures pour la mise en œuvre de ces deux cas de règlement exceptionnels français pour constater qu´il s´agit effectivement de régimes d´atténuation de la protection des droits fondamentaux. Ensuite, dans une deuxième partie, nous allons analyser les mécanismes juridiques permettant néanmoins une certaine garantie des droits fondamentaux dans ces périodes de crise.

I. La juxtapositiondes régimes exceptionnels dans l´ordre juridique français – des régimes d´atténuation de la protection des droits fondamentaux

Aux termes de l´article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens ainsi que les règles de restriction de ces droits par la Défense Nationale. Le Conseil constitutionnel déduit de ces dispositions lacompétence du législateur pour opérer la conciliation entre le respect des libertés et la sauvegarde de l´ordre public et d´organiser des régimes exceptionnels.

A) Les régimes législatifs des états d´urgence et de siège

a) L´état d´urgence

Le premier de ces régimes exceptionnels, organisé par le législateur, est l´état d´urgence. Organisé par la loi du 3 avril 1955, il se caractérise par uneextension des pouvoirs ordinaires de police des autorités civiles.

Il a été conçu pendant la guerre d´Algérie, qui a motivée ses trois premières applications, entre 1955 et 1962. Depuis, sa mise en œuvre a été décidée à deux reprises : en Nouvelle-Calédonie, en 1985; puis en automne 2005 sur l´ensemble du territoire métropolitain, en réponse aux émeutes urbaines.

Sa mise en œuvre est réservéeà deux hypothèses : soit en cas de péril imminent résultant d´atteintes graves à l´ordre public ; soit en cas d´évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamités publiques.

L´appréciation de l´opportunité de son application relevait initialement au Parlement. Depuis l´ordonnance du 15 avril 1960, l´initiative revient au Président de la République, qui déclarel´état d´urgence par décret en Conseil des ministres.

La prorogation au-delà de douze jours doit être autorisée par une loi, qui en fixe la durée définitive.

L´état d´urgence entraîne une extension des pouvoirs de police et une possible restriction des libertés : Ainsi, il peut entraîner de plein droit les conséquences suivantes : d´une part sur les libertés individuelles: interdiction de…