Aimer : une maladie honteuse

Aimer : une maladie honteuse?

Si vous êtes nés après 1980, les chances que vous soyez atteint pas cette maladie sont minces.
De nos jours, on n’aime guère aimer, tout en se délectant de l’être, et on se protège comme de la peste des emportements de notre propre cœur.
Lucide la génération « Y » me direz vous? Oui, quelque part, cette nouvelle génération refuse de tomber dans les égarements dela passion. Ils vivent dans un monde rationnel, hyper matérialiste, ou leurs choix sont avant tout guidés par un désir de stabilité et de retour à des valeurs sûres.
L’amour avec un grand A est donc devenu une de ses valeurs reléguées aux oubliettes de l’histoire… Aujourd’hui, on préfère s’associer, partager un bout de chemin, sans jamais trop s’impliquer. On y croit sans trop y croire, et, bienentendu, on se sépare aux premiers heurts…
Évidemment, qui ne veut pas succomber à la passion, qui ne rêve pas de tomber amoureux…? Mais « succomber », « tomber » sont des expressions tout à fait pertinentes et à résonance extrêmement négatives. Elles impliquent dépendance, possessivité, régressions diverses et abandon de soi… c’est-à-dire une opposition totale avec les valeurs modernes quiplacent sur un piédestal l’épanouissement personnel avant tout autre chose.
Nous sommes pourtant tous plus ou moins désireux de nous laisser emporter par les émotions de l’amour… mais dans notre inconscient collectif d’occidentaux, nous ne perdons plus jamais de vue que cela est une maladie honteuse, garante de notre perte d’autonomie et destructrice de nos aspirations profondes…
Alors, commentconcilier ces divers espoirs contradictoires?

J’ai bien peur que ceux qui y parviennent sont ceux, et seuls ceux, qui renoncent à jouer le jeu de nos sociétés névrosées, obsédés par la réussite et par les signes extérieurs de cette réussite. Si nous nous conformions tous aux critères sans cesse assener par les médias de masse, notre seul objectif louable serait de posséder des biens matériels dontla reconnaissance sociale validerait notre statut « d’humanoïde occidental certifié conforme ». De même, vous devriez « posséder » une personne qui validerait de la même manière votre statut socio-économique. Du coup, on assiste aujourd’hui à une marchandisation des rapports entre hommes et femmes. Il suffit de constater la prolifération des sites de rencontres sur Internet, où vous pouvez, niplus ni moins, magasiner votre compagne en fonction de critères uniquement et bassement matériels. On consomme des gens et on s’associe en fonction de critères essentiellement esthétiques ou économiques et ce, sans aucuns scrupules!
Néanmoins, certains lâchent prises et apprennent à faire des concessions; concessions parfois professionnelles, parfois financières, parfois géographiques ou bienencore plastiques, ces gens là s’aiment et vivent heureux malgré tout et envers et contre tous, mais souvent au prix d’un isolement social criant. Si vous êtes de ceux-là, n’avez-vous jamais ressenti cette impression d’être jugé hors jeu par vos congénères? Un seul regard suffit parfois, et vous êtes relégués, bien malgré vous, au statut de « has been ». Vous ne faites plus parti du jeu… vous avezjetés toutes vos cartes! Bienvenu dans ce monde des « Desperate housewives » pour les femmes ou de « American beauty » pour les hommes.
Moi-même ayant tenté l’expérience de ce renoncement, je me suis retrouvé face à un grave problème… comment exister sans participer à ce jeu perpétuel de la séduction aussi bien professionnelle que sentimentale… comment prendre toujours et encore des risques alors quela nature humaine (nature animale devrai-je dire) nous amènent inexorablement à la recherche de stabilité et de repères. Alors, nous essayons malgré tout de nous associer mais on se retrouve doublement démunis… car nous n’avons jamais appris à partager nos vies avec un être aimé, ayant tous plus ou moins grandis seuls, en opposition permanente avec notre parenté… puis, on nous a assené cette…