Ce que je suis

moi c’est moi Différentes réalités abstraites sont présentées sous les traits d’une femme, le plus souvent par l’utilisation de la majuscule. C’est le cas pour la nature « Du temps que la Nature en sa verve puissante » (XIX), la mort « La mort nous tient souvent par des liens subtils » (XL), la beauté « Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques » (XXI), la douleur « Sois sage, ô maDouleur », l’élégance, la force « L’Élégance et la Force abondent, sœurs divines » (XX), la folie « Te pavaner aux lieux que la Folie encombre » (XXXVII), la nuit « Où, seul avec la Nuit, maussade hôtesse » (XXXVIII-I), etc…

Les références littéraires et mythologiques…
La magicienne Circé qui était parvenue à charmer Ulysse ; Diane, déesse de la chasse ; Écho ; Eurydice la fiancée d’Orphée ;Vénus déesse de la beauté ; Cybèle, déesse de la terre et de la fécondité, Proserpine ; Elvire, la dernière épouse de Don Juan ; la Lady Macbeth de Shakespeare…

L’homosexualité féminine
Rappelons à ce propos que le premier titre que Baudelaire avait envisagé était les Lesbiennes, bien qu’il le qualifiât de « titre pétard », c’est-à-dire de titre destiné à choquer le public. On peut cependantse demander pourquoi rendre ce thème éponyme, alors que les poèmes consacrés au saphisme ne sont que très peu nombreux dans les Fleurs du Mal : il s’agit essentiellement de Lesbos et de deux poèmes de Femmes damnées : Delphine et Hippolyte et le Léthée. C’est que Baudelaire retrouve en elles l’expression de plusieurs thématiques qui lui sont chères. Celles que le poète en éternelle quête d’absoluappelle « chercheuses d’infini » sont, comme lui, mises au ban de la société, et comme lui des êtres de souffrance. D’autre part, l’impossibilité de l’acte sexuel renvoie à la beauté baudelairienne (voir infra. Mme Sabatier) : il ne s’agit pas de chercher le contentement, mais encore le désir, appelant par là l’infini et l’inconnu. Cette beauté qui réside également, pour Baudelaire, dans le bizarrequi est inhérent aux lesbiennes. En outre, on retrouve dans la description que fait le poète de l’antique île de Lesbos le thème du paradis perdu qu’il exploite dans d’autres poèmes du même recueil. Enfin, si la réponse est à chercher dans le réel plutôt que dans l’esthétique, on sait que certaines de ses maîtresses, à commencer par Jeanne Duval ont eu au moins épisodiquement, des « amitiés »féminines.

« L’imagination est la reine des facultés »
Les femmes réelles
La partie des Fleurs du Mal que Baudelaire consacre aux femmes est située dans la section Spleen et Idéal et est habituellement décomposée en plusieurs cycles, bien qu’on trouve des poèmes sur les femmes depuis Tableaux Parisiens jusqu’à la Mort.

-Les poèmes XXII (parfum exotique) à XXXIX constituent le cycle de JeanneDuval, même si deux de ces poèmes ont été attribués à une prostituée surnommée « Sara la louchette » : le XXXII « Une nuit que j’étais près d’une affreuse Juive… » et le XXV « Tu mettrais l’univers entier dans ta ruelle/Femme impure !… »Elle était figurante dans un petit théâtre et on pense qu’elle s’appelait en réalité Jeanne Lemer, mais elle aurait changé de nom à plusieurs reprises pour fuirses créanciers : on sait par exemple qu’elle avait pris en 1864 celui de « Mlle Prosper ». Au physique, elle avait une démarche triomphale, des cheveux noirs éclatants, de grands yeux bruns, des lèvres sensuelles, et ce que Baudelaire appelait des « seins aigus ». De caractère, elle aurait été sournoise, menteuse, débauchée, dépensière, alcoolique, ignorante et stupide… portrait peu flatteur,en vérité. Mais il est vrai qu’il recommande des femmes bêtes aux jeunes littérateurs car, selon lui, « la bêtise est toujours la conservation de la Beauté, elle éloigne les rides ; c’est un cosmétique divin qui préserve nos idoles des morsures que la pensée garde pour nous, vilains savants que nous sommes ! » Sa liaison avec le poète fut sans cesse rompue et renouée.

-Les poèmes XL (Semper…