Claire de lune

Watteau, « le Pèlerinage à l’Ile de Cythère ».

Introduction.

Présentation du peintre :
Jean Antoine Watteau est né à Valenciennes en 1684 ; on sait très peu de choses de sa biographie : il semble avoir eu une enfance malheureuse sous l’autorité de son père, couvreur-charpentier ivrogne et brutal ; à 18 ans il est apprenti chez un peintre qui travaille pour des décors de théâtre et qui estappelé à Paris en 1702 pour travailler à l’Opéra ; Watteau le suit et le quitte quelque temps après pour entrer dans l’atelier de Claude Gillot, peintre spécialisé dans les sujets de la Comédie-Italienne et du théâtre de foire.
Après une brouille avec son maître, il devient l’élève du décorateur Audran, conservateur du Musée du Luxembourg, où Watteau peut contempler des toiles de peintres quil’influenceront considérablement : Rubens, Le Titien, Véronèse.
En 1717, il est élu membre de l’Académie de peinture comme « peintre de fêtes galantes » et connaît alors une certaine notoriété. Il voyage un peu, notamment en Angleterre, mais meurt précocement en 1721.

Présentation de l’œuvre :
Watteau travaille beaucoup, et se spécialise dans deux thèmes : le théâtre et les fêtes galantes.D’après le dictionnaire de Furetière en 1690, la fête galante est une « réjouissance d’honnêtes gens » : Watteau, qui en a peint de nombreuses, représente des couples dans des parcs, occupés à faire la belle conversation, assis ou en se promenant, à danser, à jouer ou écouter de la musique. Il mêle parfois ses deux thèmes de prédilection, la fête galante et le théâtre, comme c’est le cas dans « L’amourau théâtre italien » (Berlin), « La partie carrée » (San Francisco), « La Finette » (Louvre).
Les frères Goncourt (romanciers naturalistes amis de Zola), qui redécouvrirent Watteau à la fin du 19°, alors que la peinture du 18° était délaissée par la majorité, parlent ainsi de Watteau : « …le maître des sérénités douces et des paradis tendres, dont l’œuvre ressemble aux Champs Elysées de lapassion. Watteau, le mélancolique enchanteur qui met un si grand soupir de nature dans ses bois d’automne pleins de regret autour de sa volupté songeuse ! ». « Sérénités douces », « paradis tendre » « volupté », « enchanteur » d’une part ; « mélancolique », « soupir », regret », « songeur » d’autre part : l’ambivalence de l’œuvre de Watteau est joliment soulignée ; Verlaine l’a vu ainsi, et l’exprimetrès nettement dans « Clair de Lune », dont les personnages semblent osciller entre joie et mélancolie ; le poète joue également sur d’autres ambivalences qui font la richesse de son « paysage choisi » inspiré de Watteau.

Présentation du tableau :
Ce tableau fut celui que Watteau présenta pour postuler à l’Académie royale de peinture et de sculpture, en août 1717 (ce qu’on appelait son« morceau de réception »).
On peut donc considérer qu’il s’agit du chef d’œuvre du peintre (au sens propre du chef d’œuvre de l’apprenti du tour de France qui fait montre de sa maîtrise).
L’illustre institution lui avait demandé un tableau depuis 1712 (on ignore les raisons du long retard de Watteau pour livrer le tableau, dont on sait qu’il a été peint en huit mois), le laissant libre de choisir lesujet, ce qui était très rare ; on ne sait s’il faut comprendre que l’Académie faisait ainsi honneur au talent du peintre ou si, déroutée par les sujets le plus souvent pratiqués par Watteau, théâtre et fêtes galantes, elle ne savait pas trop dans quelle catégorie les faire entrer ; en tout cas, le tableau est enregistré par l’Académie comme une « feste galante ».
Le tableau s’appelle aujourd’hui,« Pèlerinage à l’Isle de Cythère » : dans l’acte d’enregistrement du tableau par l’Académie, ce titre est indiqué (c’est donc le titre que lui donna Watteau), mais barré et remplacé par « une fête galante » ; l’Académie refusa donc le premier titre : l’explication proposée aujourd’hui est que la mention de Cythère, île mythologique, semblait reconnaître un sujet mythologique à l’œuvre, et…