ANALYSE DE L’INCIPIT DE CLAUDE GUEUX
L’incipit ( du latin incipere , commencer) d’une œuvre est le début du manuscrit. C’est donc ce qui est en premier , qui doit donner envie au lecteur de continuer le récit: il est donc d’une grande importance. Nous étudierons le personnage de Claude Gueux tel qu’il y est présenté, puis nous analyserons le narrateur et enfin nous verrons la thèse del’auteur dans le but de comprendre comment est formé un incipit et son rôle.
Dès la toute première phrase du récit, le protagoniste est évoqué et brièvement présenté: « Il y a sept ou huit ans, un homme nommé Claude Gueux , pauvre ouvrier, vivait à Paris ». Il est donc directement mis en avant. Sa situation familiale est également présenté: « Il avait avec lui une fille qui était sa maitresseet avait un enfant de cette fille. ». Le narrateur montre ainsi la banalité de sa situation afin de prouver que le drame qui touchera Claude Gueux peut arriver à tous. Puis, le narrateur en fait son portrait moral: « L’ouvrier était capable, habile, intelligent, fort maltraité par l’éducation, fort bien traité par la nature, ne sachant pas lire et sachant penser. ». Ce portrait élogieux met enavant de grandes qualités, ce qui marquera l’inégalité sociale que l’auteur souhaite mettre en avant. Enfin, le narrateur élabore son portrait physique. La encore, le portrait est élogieux et insiste sur la fin, « il avait une belle tête ». Étant donné que la tête sera coupée, l’auteur, sous le moyen de l’ironie implicite, pointe à nouveau du doigt l’irrationalité de la peine ( de mort) . On peutremarquer que le nom même du personnage principal, très symbolique, porte à lui tout seul le sens du récit entier. En effet « gueux » est un synonyme de « mendiant » et a donc une connotation péjorative. Ainsi, Claude Gueux et sa tragique histoire représentent la misère et la souffrance du peuple et montrent l’injustice permanente qu’ils subissent.
De façon parallèle, le narrateur , qui joueégalement un rôle très important est indirectement présenté. Il n’est pas personnage de l’histoire et s’exprime à la troisième personne du singulier: « Il avait avec lui une fille qui était sa maîtresse, et un enfant de cette fille. » , « L’homme vola ». Il est donc de statut extérieur. Il décrit les évènements tels qu’il les a vus ou entendus: « L’homme vola. Je ne sais ce qu’il vola, je nesais où il vola. Ce que je sais, c’est que de ce vol il résulta trois jours de pain et de feu pour la femme et pour l’enfant, et cinq ans de prison pour l’homme. ». Il est donc très objectif et adopte un point de vue externe. Cependant, on peut remarquer quelques marques de premières personnes : « je dis les choses comme elles sont » et «Je ne sais ce qu’il vola ». Ces phrases coupées de lasituation d’énonciation et conjuguées au présent d’énonciation (en effet, elles sont vraies au moment où Victor Hugo l’écrit) servent en fait à exprimer l’objectivité « totale » de l’auteur. Il utilise même une fois le pronom impersonnel « on » dans la phrase « On verra ce que la société en a fait ». Il englobe ainsi son lecteur dans sa phrase pour l’inclure dans l’histoire. Le lecteur se sent ainsiconcerné par la vie de Claude Gueux et son destin tragique annoncé.
Dans cette œuvre, Victor Hugo décide de débuter directement au milieu de l’action. En effet, il fait un court résumé des événements du début de l’histoire pour débuter au milieu, au nœud : « L’homme vola. Je ne sais ce qu’il vola, je ne sais où il vola. Ce que je sais, c’est que de ce vol il résulta trois jours de pain et de feupour la femme et pour l’enfant, et cinq ans de prison pour l’homme. L’homme fut envoyé faire son temps à la maison centrale de Clairvaux. [….] Arrivé là, on le mit dans un cachot pour la nuit, et dans un atelier pour le jour ». Ainsi, le récit commence in media res ( du latin, au milieu des choses) ce qui lui permet d’installer précisément le cadre spatio-temporel. L’histoire se passe sept ou…