Commentaire

Commentaire littéraire « La description de la pension Vauquer » du Père Goriot Chapitre 1:
Une pension bourgeoise

Le texte que nous allons vous présenter est un extrait du Père Goriot d’Honoré de Balzac, figure majeure des auteurs réalistes, publié en 1835. Cette œuvre retrace le dévouement d’un père pour ses deux filles allant jusqu’à se priver et mourir dans la misère pour faire leurbonheur. L’histoire se déroule en 1819 à Paris dans une pension tenue par Madame Vauquer et située rue Neuve Sainte-Geneviève .
Lecture de l’extrait

Comment Balzac rend-t-il l’atmosphère sordide de la pension ?
Après avoir souligner l’indigence de la pension à travers l’étude d’un mobilier misérable, nous verrons de quelle manière celui-ci engendre et fait naître la nausée chez le lecteur, puis,nous conclurons.

D’emblée Balzac nous invite à pénétrer dans la salle à manger de la pension au moyen d’une reprise anaphorique du pronom personnel « elle » constituant un progression constante du thème de la pension. Ainsi les six occurrences du pronom « elle » établissent un focalisation sur cette salle obligeant ainsi le lecteur à ne voir qu’elle et à ne sentir que cette odeur que Balzac nomme« l’odeur de pension ». En effet, si, par le biais du champ lexical de l’olfaction (« elle sent », « elle exhale », « elle est humide au nez », « elle pue »), la pièce stimule dès le départ l’odorat, elle met également en éveil la plupart des autres sens tel que la vue (« vous y verriez »), le toucher (« assez grasse pour qu’un facétieux externe y écrive son nom »), ou encore le goût (« elle ale goût d’un salle où l’on a dîné »). Etrangement, aucune parole ni aucun bruit n’est à dénoter, comme pour rendre l’apparence d’une pension morte, inanimée semblable ni plus, ni moins à une nécropole. Effectivement, c’est au moyen d’une description scientifique, assimilable à une véritable fouille archéologique, que le narrateur se fait volontiers paléontologue et nous représente lesdifférentes couches de crasse sur les meubles allant même jusqu’à expliquer leur origine par l’utilisation de l’indicateur temporel « jadis ». De plus, le thème constant des dix premières lignes mue vers un thème dérivé laissant au lecteur le temps d’étudier avec Balzac la misère qui se reflète à travers le mobilier « gluant » et « proscrit » de cette pension dont la déliquescence est mise en exergue parl’allitération en [l] et [r]. En effet, soulignons au passage que la pension se présente comme un personnage apparent de l’histoire, puisque c’est au moyen d’une accumulation d’adjectifs dépréciatifs (« crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant ») et d’un anthropomorphisme du mobilier délabré, morbide, mortifère et rédhibitoire que Balzac donne de la pension l’imaged’un vieillard cacochyme. Or notons également au passage l’ironie de l’auteur, à la fin de l’extrait, mise en exergue par l’usage d’une figure de prétérition : « il faudrait en faire une description qui retarderait trop l’intérêt de cette histoire ». Ainsi de part la référence aux « Incurables », de part la misère qui règne dans la pièce, et, de part l’état morbide des meubles, la pension Vauquerdevient le réceptacle de toute la misère de France tel un creuset dans lequel on aurait versé tous les maux et toute la misère du monde.

Ainsi le fait que la pension constitue le refuge de la misère donne à la salle à manger une atmosphère plus que nauséeuse puisque dès le début de l’extrait, l’odorat du lecteur est sollicité. En effet le verbe « exhaler » rend compte de l’odeur nauséabonde et fétidede la pièce, renforcé par l’impossibilité de décrire une odeur aussi horrible, et par l’alternative suggérée par Balzac qui propose de lui inventer un nom en rapport avec le lieu d’où elle provient. Cet aspect répugnant de la pension est renforcé par l’usage de rythmes ternaires pour la décrire : « elle sent le renfermé , le moisi, le rance », « enfin, là règne la misère sans poésie ; une…