Commentaire comparé : l’invitation au voyage en prose et en vers

Commentaire comparé : l’Invitation au voyage prose / vers

Intro
Charles Baudelaire est un poète, critique d’art, essayiste et traducteur français né en 1821 et mort en 1867 à Paris. Il est l’un des poètes les plus célèbres du XIXème siècle. En incluant la modernité comme motif poétique, il a rompu avec l’esthétique classique. Il est aussi celui qui a popularisé le poème en prose. Le spleen deParis est un recueil posthume de poèmes en prose, établi par Charles Asselineau et Théodore de Banville. L’Invitation au voyage est un poème en prose faisant partie de ce recueil. Il a été écrit en 1859, et il s’agit d’une réécriture de l’Invitation au voyage en vers, publié dans les Fleurs du Mal en 1857. Ce dernier appartient à la section Spleen et Idéal, dans la partie Idéal, dans le cycle del’amour de Marie Daubrun. Il sera intéressant d’étudier les points communs et les différences entre ces deux poèmes reposant sur le même thème principal : l’évocation d’un pays idéal où il souhaiterait se rendre avec la femme qu’il aime. Nous verrons dans un premier temps les points communs entre les deux poèmes, puis dans un second temps les différences.

I. Points communs
A. Les élémentscommuns dans la description du pays imaginaire
On trouve des points communs dans la description du paysage idéal issu du rêve : de nombreux éléments sont présents aussi bien dans l’Invitation au voyage en prose qu’en vers.
Tout d’abord, Baudelaire précise dans les deux cas qu’il s’agit d’un pays oriental : c’est un pays « qu’on pourrait appeler l’Orient de l’Occident, la Chine de l’Europe » (S1), cequi évoque la « splendeur orientale » (v23) du poème en vers. Les « soleils » sont également présents : « les soleils couchants » (S5) dans le poème en prose, « les soleils mouillés » (v7) et les « soleils couchants » (v35) dans le poème en vers. La couleur de ces soleils couchants est d’ailleurs dans les deux cas une décoration : « qui colorent si richement la salle à manger ou le salon » ;« Revêtent les champs, / Les canaux, la ville entière / D’hyacinthe et d’or ». Les soleils sont ici comparés à des pierres précieuses. Les meubles et les décorations de la chambre sont communs : « des meubles luisants » (v15), « les meubles sont vastes, curieux, bizarres » (S5) ; « les miroirs profonds » (v22), « les miroirs » (S5). Dans la dernière strophe du poème en vers, Baudelaire évoque à nouveau« ces trésors, ces meubles, ce luxe, cet ordre », – ces deux derniers éléments rappelant le refrain du poème en vers : « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, / Luxe, calme et volupté » – « ces fleurs miraculeuses », comme les « plus rares fleurs » (v18). Le poète apostrophe la femme aimée en la comparant à une fleur : « fleur incomparable, tulipe retrouvée (la tulipe évoque l’origine de lafemme), allégorique dahlia » (S8). On retrouve également les « grands fleuves et ces canaux tranquilles », avec les « énormes navires » dans le dernier paragraphe, comme dans la dernière strophe du poème en vers. Dans les deux cas, ils vont vers l’Infini et obéissent à la volonté de la femme aimée, qui est ainsi mise en relation avec l’Infini : « tu les conduis doucement vers la mer qui est l’Infini » ;« c’est pour assouvir / Ton moindre désir / Qu’ils viennent du bout du monde ». L’auteur évoque les parfums : « ces parfums » (S10), « Les plus rares fleurs / Mêlant leurs odeurs / Aux vagues senteurs de l’ambre ». (v18, 19, 20).
Tous les meubles et la décoration de ce pays imaginaire semblent être en relation avec l’âme du poète. Ils s’adressent à lui avec une sorte de langage qui passent parles sens : « Tout y parlerait / A l’âme en secret / Sa douce langue natale. » (v24, 25, 26) ; « Les miroirs, les métaux, les étoiles, l’orfèvrerie et la faïence y jouent pour les yeux une symphonie muette et mystérieuse ; et de toutes choses, de tous les coins, des fissures des tiroirs et des plis des étoffes s’échappe un parfum singulier, un revenez-y de Sumatra, qui est comme l’âme de…