Introduction:
L’Assommoir, œuvre d’Emile Zola, parue en 1877, appartient à l’esthétique naturaliste ; elle fait partie du plus vaste projet des Rougon Macquart. Gervaise, fille du contrebandier Macquart, d’une marchande à la Halle, est montée à paris pour suivre son amant, Auguste Lantier, dont elle a eu deux fils. Lantier finit par l’abandonner, la jeune femme se laisse alorscourtiser par un ouvrier zingueur, Coupeau. Il l’invite dans notre extrait à prendre une prune à « L’Assommoir », cabaret du père Colombe où Gervaise et Copeau vont faire la découverte de l’alambic, machine à distiller l’alcool.Notre extrait se situe au début du roman, au chapitre deux, et constitue une pause descriptive dans la narration. En effet le narrateur sera externe à l‘histoire, va s’attarder surla description de la machine à distiller en rapportant le discours et la vision des personnages : ici de Gervaise, de Coupeau et de l’ouvrier ivrogne Mes-bottes.
Ce roman est il un roman naturaliste ?
Dans une première partie nous verrons qu’il utilise un langue typique des ouvriers, puis dans une deuxième partie nous verrons les procédés, puis une troisième partie sur les descriptionsauthentiques menées par Zola et pour finir nous aurons une quatrième partie sur le jeu de regards des trois principaux personnages de notre extrait.
Développement:
On reconnaît là un procédé courant du roman: l’auteur délègue à un personnage sa fonction d’Informateur. Une autre exigence du naturalisme est que la description soit motivée: Zola n’oublie donc pas de préciser que c’est la curiosité,plus forte que l’heure de la reprise du travail pour Coupeau – mais galanterie oblige -qui mène Gervaise dans le sanctuaire où trône l’alambic. La curiosité la fait « aller regarder »; la crainte la fera « reculer » (1.36), mouvement qui met un terme au passage consacré à l’alambic. Les paroles rapportées, que ce soit au style direct pour Gervaise, ou au style indirect libre pour Mes-Bottes,participent également de la représentation documentaire de la réalité ouvrière.
C’était d’ailleurs, dans L’Assommoir, un des aspects auxquels Zola avait accordé le plus d’intérêt et apporté le plus de soin: sa « volonté était de faire un travail purement philologique |…| d’un vif Intérêt historique et social »; artistique également puisqu’il s’était proposé de’ couler dans un moule très travaillé lalangue du peuple ».Ce moule très littéraire, c’est par exemple le maintien de formes verbales recherchées comme le subjonctif (1.23) mais, toutes catégories grammaticales confondues, le passage offre un catalogue étendu du parler populaire: adverbes (« joliment », « tout de même »); adjectifs (« fichu »); emploi de jurons (« Tonnerre de Dieu », « Dame »); emploi d’augmentatifs avec « gros bedon », ou, Inversementde diminutifs avec « petit ruisseau », qui produisent une antithèse comique et reprennent dans le langage de Mes-Bottes ce qui était formulé littérairement auparavant par « énorme cornue » et « filet ». Le caractère fortement affectif de ce parler apparaît encore dans ses emprunts au monde animal. Mes-Bottes est « cet animal de Mes-Bottes »; le père Colombe est un « roussin », c’est-à-dire un auxiliaire dela police mais le mot désigne aussi un cheval ou un âne; Gervaise trouve « bête » sa réaction. La redondance par laquelle elle l’exprime a également une valeur affective. En artiste curieux, Zola a recueilli les images argotiques propres aux piliers de cabaret: l’alcool devient du « vitriol », les petits verres sont des « dés à coudre », l’éloquence lyrique de Mes-Bottes, un « fichu grelot ». Ces Imagesde parler populaire se diffusent jusque dans le style du narrateur: « rire de poulie mal graissée » et « machine à soûler ». Le ton des propos de Mes-Bottes représente une forme populaire de l’humour: la blague, c’est-à-dire aussi une attitude spécifique devant l’existence: dire que « la machine à soûler » est « bien gentille », c’est utiliser un euphémisme comparable à celui par lequel l’Antiquité…