Commentaire de « en regardant vers le pays de france »

En regardant vers le pays de France (Charles d’Orleans) :
En regardant vers le pays de France,
Un jour m’advint, à Douvres sur la mer,
Qu’il me souvint de la douce plaisance
Que jesoulais au dit pays trouver ;
Si commençai de cœur à soupirer,
Combien certes que grand bien me faisait
De voir France que mon cœur aimer doit.
Je m’avisai que c’était non savance
De telssoupirs dedans mon cœur garder,
Vu que je vois que la voie commence
De bonne paix, qui tous biens peut donner ;
Pour ce, tournai en confort mon penser ;
Mais non pourtant mon cœur ne selassoit
De voir France que mon cœur aimer doit.
Alors chargeai en la nef d’Espérance
Tous mes souhaits, en leur priant d’aller
Outre la mer, sans faire demeurance,
Et à France de merecommander.
Or nous donn’ Dieu bonne paix sans tarder !
A donc aurai loisir, mais qu’ainsi soit,
De voir France que mon cœur aimer doit.
Paix est trésor qu’on ne peut trop louer.
Je hais guerre,point ne la dois priser ;
Des tourbé m’a longtemps, soit tort ou droit,
De voir France que mon cœur aimer doit !
Commentaire :
Charles d’Orléans fut blessé à la bataille d’Azincourt en 1415.Fait prisonnier, il fut emmené en Angleterre et y resta 25 ans. En 1433, du haut des falaises de Douvres, il aperçoit dans le lointain les côtes de France et ressent le regret de sa patrie.Là, dans une langue à la fois fine et simple, il se souvient avec mélancolie de son pays.
Charles d’Orléans n’oublie pas son pays et il insiste à la fin de chaque strophe sur cet amour de lapatrie qui l’anime: « De voir France que mon coeur aimer doit« . On perçoit la tristesse de l’exilé. Cependant, dans la deuxième strophe, Charles d’Orléans se donne du courage et semblereprendre espoir. Son patriotisme n’est pas revanchard: on peut aimer son pays et vouloir la paix. Puisque la guerre l’a déraciné et empêché de voir son pays qu’il aime tant, il désire la paix.