Commentaire de germinal

Commentaire littéraire – Excipit Germinal, Zola

Extrait étudié :
« Mais Etienne, quittant le chemin de Vandame, débouchait sur le pavé. A droite, il apercevait Montsou qui dévalait et se perdait. En face, il avait les décombres du Voreux, le trou maudit que trois pompes épuisaient sans relâche. Puis, c’étaient les autres fosses à l’horizon, la Victoire, Saint-Thomas, Feutry-Cantel; tandisque, vers le nord, les tours élevées des hauts fourneaux et les batteries des fours à coke fumaient dans l’air transparent du matin. S’il voulait ne pas manquer le train de huit heures, il devait se hâter, car il avait encore six kilomètres à faire.

Et, sous ses pieds, les coups profonds, les coups obstinés des rivelaines continuaient. Les camarades étaient tous là, il les entendait le suivre àchaque enjambée. N’était-ce pas la Maheude, sous cette pièce de betteraves, l’échine cassée, dont le souffle montait si rauque, accompagné par le ronflement du ventilateur? A gauche, à droite, plus loin, il croyait en reconnaître d’autres, sous les blés, les haies vives, les jeunes arbres. Maintenant, en plein ciel, le soleil d’avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait. Duflanc nourricier jaillissait la vie, les bourgeons crevaient en feuilles vertes, les champs tressaillaient de la poussée des herbes. De toutes parts, des graines se gonflaient, s’allongeaient, gerçaient la plaine, travaillées d’un besoin de chaleur et de lumière. Un débordement de sève coulait avec des voix chuchotantes, le bruit des germes s’épandait en un grand baiser. Encore, encore, de plus enplus distinctement, comme s’ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l’astre, par cette matinée de jeunesse, c’était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater laterre. »
Zola.

Dans son roman Germinal écrit en 1885, Zola évoque le monde des mineurs et la violence des rapports de force entre Capital et prolétariat. L’excipit met en scène par une belle matinée de printemps, le départ du héros Emile Lantier qui va à Paris continuer la lutte syndicale et politique pour l’émancipation de la classe ouvrière. Ce dénouement semble alors condenser touteles potentialités du titre de l’œuvre. Nous étudierons d’abord les contrastes entre l’espace minier et la nature printanière rayonnante. Nous analyserons ensuite la valeur symbolique de la germination évoquée, annonciatrice d’un « printemps » de la condition humaine.

On remarque d’emblée un effet de contraste entre l’espace minier et la nature printanière.
On constate tout d’abord larécurrence de la préposition « sous » (« sous ses pieds », « sous cette pièce de betteraves »). Cette répétition renforce l’espace souterrain des mineurs. En s’appuyant sur l’étymologie du mot « Enfer », qui vient du latin « infernum » (de « inferum » , qui est en bas), on peut en déduire que l’espace minier est un espace de damnation. Cette idée est accentuée par le réseau lexical de la souffrance, de lamort et donc de connotations négatives : « décombres », « fosse », « trou maudit », « l’échine cassée »…
On note également un espace minier construit, ordonné comme nous le montrent les termes « en face », « à droite », « vers le nord » ou encore le rythme ternaire « à gauche, à droite, plus loin ». On remarque aussi l’antithèse qui oppose « à gauche » et « à droite ». Cette description traduità la fois un monde dirigé et contrôlé mais aussi un manque de liberté des mineurs : il n’existe pas d’endroit privilégié. On retrouve ces mêmes thèmes dans le tableau de Gustave Caillebotte, Les Raboteurs de parquet. Les droites, les angles symbolisent un monde dirigé et la gestuelle des trois ouvriers (travailleurs à genoux) marque un manque de liberté.
Puis cette description de l’espace…