Commentaire de texte « le port » de baudelaire

Commentaire de texte – « Le Port » de Baudelaire in Les Petits Poèmes en Prose

« Le Port » est extrait des Petits Poèmes en prose de Baudelaire, publié de façon posthume dans lequel se côtoient des réflexions métaphysiques sous la forme de dialogues au second degré, des textes ironiques, des anecdotes moralisatrices, le tout assemblé de toutes pièces. Ceci montre que le poème étudié ne revêtpas une valeur particulière due à sa position au sein de l’oeuvre.
Il est intéressant cependant de le situer par rapport à d’autres poèmes du même auteur, comme« L’invitation au voyage », ou « La Chevelure », dans lesquels apparait aussi un port, un des topos les plus fréquents de sa poésie, « Le Port » pouvant ainsi être interprété comme une forme de réécriture interne. Ce lieu est apprécié del’auteur, pour sa vertu à la fois ouverte et fermée, lieu de refuge et mais aussi de vertige, métaphore de l’infini fini.
Ce poème tire sa richesse du fait qu’il peut être étudié sous trois angles à la fois. Au premier abord, il semble être une description à la fois musicale et visuelle d’un port, cependant il est transcendé par un autoportrait masqué du poète et sous ses apparences idylliques,transparait un caractère résolument spleenique.

Dans ce poème, Baudelaire exprime la volonté de créer un tableau à la fois musical et vivant du paysage qu’il observe, le port, thème récurant des marines. Il ne s’agit pas de décrire un port précis, comme souvent il est dit dans les critiques, mais de présenter un lieu idéal et inaccessible.
D’emblée, il nous donne l’impression de suivre le regarddu narrateur qui surplombe la vue avec un certain recul, comme le montre l’utilisation de termes comme le mot « yeux » ou le verbe « contempler », ou encore l’énumération de tous les éléments du tableau, de haut en bas, du ciel à la mer. L’hypotypose est rendue palpable par l’énumération d’objets composant le port, « les mâts », « les phares », dans un ordre précis. L’abondance de la lumièreest donnée par « les phares », « le scintillement », « le prisme ». L’aspect pictural est renforcé par des termes comme « les colorations changeantes » qui peuvent être prises comme une métaphore du cycle du jour et de la nuit.
Tout au long de ce poème, on observe un certain paradoxe. Par définition, le port est un lieu de passage, d’agitation et de désordre. Cependant, Baudelaire veut montrer uneimage lisse et maitrisée, sentiment corroboré par les glissantes en « s » (oscillation), les sons que l’on aurait tendance à prononcer en diérèse (mystérieux, coloration, merveilleux,…) et l’ajout systématique à chaque mot référant au mouvement un adjectif tel que « harmonieuses » ou d’un nom commun tel qu’ « architecture ». Ces mots cadrent, et réduisent l’ampleur d’un mouvement incontrôlablepar l’homme, la houle, les nuages et que seul le poète peut à travers son écriture.
La musicalité nous parvient de même avec l’abondance des rythmes binaires et ternaires tels que « du rythme et de la beauté », qui explicite réellement cette recherche créative. On retrouve en outre des rimes internes avec « désir » et « enrichir », « merveilleusement » et « scintillement ». La sensation debalancement, à l’image de la houle dans un port qui remue les bateaux, est renforcée par l’utilisation du vers blanc suivant : « le désir de voyager ou de s’enrichir ».

« Le Port » nous donne à voir et à entendre, et nous donne aussi à réfléchir sur la fonction du poète, en tant qu’être à la fois éminemment supérieur, mais aussi plus fragile, qui cherche à se protéger des émotions négatives et dureste du monde.

Plus qu’un simple poème faisant appel aux sens, se dessine en filigrane un portrait du poète, quoi que de façon moins évidente que dans « l’Albatros ». A partir de la troisième phrase, on semble glisser progressivement dans une analyse introspective du soi, avec l’intrusion de termes comme « âme », « désir ».
Au niveau de la syntaxe, les phrases sont longues et amples, comme…