Commentaire victor hugo, choses vues (22 février 1846)

Introduction de l’axe : Le champ lexical du regard est récurrent : verbes voir (trois fois), distinguer, regarder (deux fois), apercevoir (deux fois) ; noms « regard », « apparition ». L’importance du regard dans ce texte s’explique par deux raisons. D’abord, il s’agit d’un témoignage personnel de l’auteur : Victor Hugo raconte une scène dont il a été le témoin oculaire. Ensuite l’histoireelle-même n’est rien d’autre que l’histoire d’un regard. Nous étudierons comment les différents regards : regard du narrateur sur le prisonnier, regard du prisonnier sur la femme du monde, regard absent de cette dernière, sont mis en scène.

1) Un témoignage personnel de l’auteur.
a)un récit à la première personne : Il s’agit d’un récit à la première personne. La présence insistanted’indices personnels de 1° personne marque la volonté de l’énonciateur de se donner une place dans la scène : les pronoms personnels «je » (3 fois) et « moi » ; l’adjectif possessif « le mien ».
b)un narrateur qui s’identifie clairement à l’auteur : La précision « j’allais à la Chambre » suggère d’identifier le narrateur avec l’auteur lui-même : une note nous indique en effet qu’Hugo était membre dela Chambre des Pairs. Cette analyse est confirmée par le titre de l’ouvrage : « Choses vues » et le genre littéraire représenté : un « carnet d’écrivain », une sorte de « journal intime». Ces deux indices nous permettent de conjecturer que l’auteur a été lui-même témoin oculaire de la scène.
c)importance des verbes de perception visuelle rapportés à « je » et « on » : Le récit livre lavision de ce narrateur-personnage qui est aussi l’auteur. En effet, on remarque des verbes de perception visuelle (« voir », « distinguer ») dans l’environnement immédiat du pronom de 1° personne : « je vis venir» ou du pronom indéfini « on » (« on distinguait », ligne 13). « On » peut être considéré dans ce cas comme un indice personnel de l’énonciation. En effet, en écrivant : « on distinguaitl’intérieur tapissé de damas bouton d’or », Victor Hugo désigne « le peuple » (l.7), les badauds rassemblés autour de l’homme, parmi lesquels il s’inclut.
d)un point de vue limité : Le récit n’apporte au lecteur aucune information autre que ce que le narrateur-personnage voit ou peut deviner en interprétant ce qu’il voit : par exemple, quand il aperçoit la blouse de l’homme « souillée deboue », le narrateur écrit : « ce qui indiquait qu’il couchait habituellement sur le pavé ». Il ne le sait pas, il le déduit de ce qu’il voit. De même, lorsqu’il évoque l’âge de l’homme, il reste dans l’indécision comme le montre l’adverbe « à peu près » (« trente ans à peu près »). Ou encore, lorsqu’il précise la cause de l’arrestation, c’est en se référant à ce qu’il a entendu dire par les badauds: « le peuple disait autour de lui qu’il avait volé un pain ». Cette technique est celle de la focalisation interne. La focalisation interne consiste à limiter l’information apportée au lecteur à ce que peut voir ou savoir l’un des personnages de l’histoire, choisi comme observateur privilégié. L’effet produit par cette technique de narration est un effet de réel et d’identificationlecteur-personnage. Ici, elle permet à Hugo, lorsqu’il note après coup dans son carnet cette aventure, de restituer dans leur enchaînement réel les sensations qu’il a vécues, ou du moins de nous en donner l’impression.
e)expression des pensées du narrateur : Un peu plus loin, ligne 20 et 21, l’idée de regard cède la place à celle de jugement personnel : « Je demeurai pensif » ; « cet homme n’était pluspour moi un homme ». Dans cette partie du texte, Hugo nous livre ses réflexions au sujet de la scène vue. Le récit est donc entièrement mené du point de vue du narrateur, au double sens que l’on peut donner à cette expression : sens visuel (regard du narrateur), sens moral (jugement du narrateur).

2)L’histoire d’un regard :
a) Le regard de « l’homme terrible » : Prise dans le…