Critique et réaction sur la casa de bernada alba

Le glas sonne, machinalement je compte les coups. Le son de cette cloche trouve en moi l’écho d’une grande tristesse!

Le père est mort, laissant une maison peuplée de femmes. La maison de BernardaAlba est une cage où s’étiolent cinq chardonnerets, c’est un cercueil où sont enterrées vives cinq jeunes filles sous la férule de leur mère. « L’air de la rue ne doit pas pénétrer dans la maison »,sont à peu près les mots que prononce Bernarda quand elle décrète un deuil de huit ans. Je n’ose imaginer la perspective de ces années de cloître, de jeunesse brimée, de jours succédant aux joursirrémédiablement gâchés. Bernarda ne doute pas de son droit de disposer de la vie des autres, elle a vidé son coeur de tout sentiment humain, seul compte son devoir et son honneur. Son esprit desséché refusela vie de femme.

Derrière les cloisons ajourées, rode toujours une ombre qui épie les jeunes filles. La servante, la gouvernante, la mère ? Cette présence constante et acceptée crée le malaise.Rien n’est dit, mais tout se sait! L’air me manque, il fait chaud. Sur la scène, elles s’éventent, se baignent le visage et les bras. L’atmosphère est palpable, mélange de résignation, de tendrecomplicité. Parfois jaillissent un éclair de rage violente, un éclat de rire, un pas de danse, un désir vite étouffé.

Mais un homme vient roder autour de la cage, déclenchant des battements d’ailes. Laplus jeune, hardie, se glisse à travers les barreaux ! La vie déborde alors, même chez la plus sage, la plus soumise, la plus disgracieuse. La plus âgée, la grand-mère, s’est depuis longtemps réfugiéedans la folie qui lui permet de vivre ses rêves charnels d’amour et de maternité.

Je sens le drame proche, même si l’on ne me dit rien, je sais que la vie est en route, que rien ne l’arrêtera! Saufla mort.

Je suis encore éblouie par des images gravées dans mes yeux : des corps comme des sculptures vivantes, des attitudes fières exprimant tant de sentiments passionnés, des lumières…