Dépend-il de nous d’être heureux, éléments de problématisation

Un exemple de problématisation : l’analyse préalable de l’intitulé du sujet « Dépend-il de nous d’être heureux ? »

( En philosophie, il ne faut pas s’en tenir à la littéralité de l’intitulé du sujet de dissertation, mais en analyser les termes afin d’en extraire le problème sous-jacent initialement inapparent. Avant même de puiser dans votre culture philosophique et de partir à la recherchedes références qui vous permettront de traiter un sujet de dissertation, vous devrez vous livrer à une analyse préalable, à la fois sémantique et philosophique des termes du sujet, pour en dérouler la logique propre et en exhiber les rapports, voire les tensions. C’est ainsi que vous construirez votre problématique. Ceci est un exemple de problématisation possible, ce n’est ni un modèle ni l’étatdéfinitif de la réflexion qui est exigée de vous. Vous avez là un aperçu de ce que pourrait être une problématisation préalable à toute construction de plan.

À la question de savoir s’il dépend de nous d’être heureux, au lieu de répondre mécaniquement et successivement par oui ou par non, on répondra par la mise en valeur préalable d’un certain nombre de problèmes qu’une simple analyse des termesde la question permettra de dégager. On s’interrogera ainsi :
• sur les conditions externes et internes qui déterminent notre accès au bonheur et justifient ou non et dans quelle mesure, que l’on s’interroge sur la possibilité qu’il dépende de nous. Se demander s’il dépend ou non de nous d’être heureux, c’est donc dans un premier temps, s’interroger sur les conditions matérielles,psychologiques, sociales, culturelles, qui autorisent cet éventuel accès au bonheur ;
• mais c’est aussi dans un second temps, et à un second niveau, se demander si la reconnaissance de ces conditions déterminantes interdit ou non que l’on considère que l’accès au bonheur dépende de nous. En d’autres termes, reconnaître l’existence de conditions (principalement matérielles) déterminant notre accès aubonheur, laisse-t-il une marge de manœuvre à notre volonté dans sa quête du bonheur ?
• Il faut donc s’interroger sur ce que signifie l’expression « dépendre de nous » :
1) Première manière de comprendre l’expression « dépendre de nous » : au sens fort, ce qui dépend de nous ne dépendrait ainsi que de nous. Selon ce point de vue, l’accès au bonheur se penserait selon une autarcieexclusive de toute intervention ou influence issue de l’extérieur [autarcie = autosuffisance intégrale d’un territoire ou d’un État ; ici, nous transposons métaphoriquement ce concept à la sphère individuelle]. Pour répondre de manière affirmative à la question de savoir s’il dépend de nous d’être heureux, il faudrait pouvoir prouver dans tous les domaines de la vie dont l’enjeu est l’accès au bonheur,qu’aucune cause autre que nous n’est impliquée : c’est une première possibilité… qui nous conduit à une impasse. En effet, s’il faut entendre la question dépend-il de nous d’être heureux ? en son sens fort, c’est-à-dire : ne dépend-il que de nous exclusivement d’être heureux, exception faite de toute détermination issue de l’extérieur ?, la réponse risque fort d’être immédiatement négative, et leproblème d’être ainsi clos, puisque nous reconnaissons tous que parmi les ingrédients de l’état que nous qualifions d’heureux, figurent un certain nombre d’éléments relevant du confort matériel ou de la survie biologique, qui nous mettent nécessairement dans une situation de dépendance vis-à-vis de l’extérieur et d’autrui (dépendance physiologique à l’égard de l’environnement ; dépendance matérielle àl’égard de nos conditions de vie/survie quotidienne ; dépendance sociale à l’égard de nos prochains dont nous ne saurions nous passer, etc.).
2) D’où une seconde manière de s’interroger sur l’expression « dépendre de nous : » s’agit-il au contraire de désigner par ce qui dépend de nous une prise de conscience libre du fait que l’indépendance matérielle ne peut jamais nous être acquise,…