Discurs sur le comedien de diderot

Article
« Lieux du désir, désir du lieu dansPoint de lendemain de Vivant Denon » Catherine Cusset
Études françaises, vol. 32, n° 2, 1996, p. 31-40.

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Lieux du désir, désir du lieu dans Point de lendemain de Vivant Denon
CATHERINE CUSSET

Par leur fonction etpar la place que leur description occupe dans le récit, les lieux jouent un rôle important dans Point de lendemain de Vivant Denon1. Les différentes étapes de la séduction impliquent le passage d’un lieu à un autre. Analyser les lieux dans Point de lendemain, c’est poser la question du désir, et d’un certain type de désir : le désir libertin, que l’on a souvent rapproché de l’esthétique rococo2. Laplupart des critiques qui ont écrit sur ce récit insistent sur le fait que la description des lieux y prend une telle place qu’elle finit par l’emporter sur la narration, c’est-à-dire sur la dynamique des rapports entre les personnages. Le lieu devient plus important que l’humain, l’objectif que le subjectif. «C’est comme si le décor de l’Opéra, d’où Damon a été enlevé, se perpétuait au dehors»,écrit Sjef Houppermans3. Selon Michel Delon, «le pavillon de la terrasse et la grotte aux amours ont fourni des
1. Vivant Denon, Point de lendemain, dans Romanciers du XVIIIe siècle, vol. II, préface par Étiemble, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade », n° 178, 1965, p. 379-402. Toutes les références sont à cette édition. 2. Voir Roger Laufer, Style rococo, style des «Lumières»,Paris, Corti, 1963, 154 p. 3. Sjef Houppermans, « La description dans Point de lendemain de Vivant Denon», dans Yvette Went-Daoust (édit.), Description-Écriture-Peinture, Groningen, Institut de langues romanes, coll. « CRIN », n° 17, 1987, p. 39.
Études françaises, 32, 2, 1996

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décors pour deux actes d’opéra où la jouissance n’était pas tant sexuelle qu’esthétique4 ». L’usage du mot «décor» fait référence au théâtre, et la notion de théâtralité conduit à celle d’artificialité. L’idée d’artifice contredit celle de désir ou, tout au moins, comme le suggère Michel Delon, l’idée d’un plaisir vraiment sexuel. À propos du cabinet du château, Sjef Houppermans parle d’« une augmentation constante de l’artifice de l’imagerie du désir, artifice qui va jusqu’àsuppléer au désir même5». S’il y a un besoin d’artifice pour éveiller le désir, c’est qu’il n’y a pas de vrai désir; si les personnages évoluent dans les lieux de la séduction comme dans un décor de théâtre, c’est qu’ils jouent des rôles, c’est qu’ils ne sont pas vraiment eux-mêmes, c’est qu’ils n’ont pas de vrai sentiment. L’interprétation dominante met en valeur le caractère artificiel du désirlibertin: «le sentiment n’est qu’une comédie que se jouent l’homme et la femme pour en arriver décemment à la chute6», écrit Henri Coulet. «L’amour se réduit à un désir7», écrit Michel Delon. Les expressions utilisées par les critiques («ne… que», «se réduit») impliquent un jugement d’ordre moral sur la «réduction» à l’œuvre dans Point de lendemain. L’idée sous-jacente est que le libertinage…