Dissert

Alors on vit s’avancer sur l’estrade une petite vieille femme de maintien craintif, et qui paraissait se ratatiner dans ses pauvres vêtements. Elle avait aux pieds de grosses galoches de bois, et, lelong des hanches, un grand tablier bleu. Son visage maigre, entouré d’un béguin1 sans bordure, était plus plissé de rides qu’une pomme de reinette flétrie, et des manches de sa camisole rougedépassaient deux longues mains, à articulations noueuses. La poussière des granges, la potasse des lessives et le suint des laines les avaient si bien encroûtées, éraillées, durcies, qu’elles semblaient salesquoiqu’elles fussent rincées d’eau claire ; et, à force d’avoir servi, elles restaient entrouvertes, comme pour présenter d’elles-mêmes l’humble témoignage de tant de souffrances subies. Quelquechose d’une rigidité monacale relevait l’expression de sa figure. Rien de triste ou d’attendri n’amollissait ce regard pâle. Dans la fréquentation des animaux, elle avait pris leur mutisme et leurplacidité. C’était la première fois qu’elle se voyait au milieu d’une compagnie si nombreuse ; et, intérieurement effarouchée par les drapeaux, par les tambours, par les messieurs en habit noir et par lacroix d’honneur du Conseiller, elle demeurait tout immobile, ne sachant s’il fallait s’avancer ou s’enfuir, ni pourquoi la foule la poussait et pourquoi les examinateurs lui souriaient. Ainsi se tenait,devant ces bourgeois épanouis, ce demi-siècle de servitude.

ement à Mme Jupillon :
-Ça y est… C’est les deux mille trois cents francs… pour qu’il se rachète1…
-Ah! ma bonne Germinie! fit lagrosse femme en suffoquant sous une première émotion ; et elle se jeta au cou de Germinie qui se laissa embrasser. Oh! vous allez prendre quelque chose avec nous, une tasse de café…
-Non, merci,dit Germinie, je suis rompue… Dame! j’ai eu à courir, allez, pour les trouver… Je vais me coucher… Une autre fois…
Et elle sortit.
Elle avait eu «à courir», comme elle disait, pour…