Revue de droit du travail 2007 p. 452
L’articulation de la démission et de la prise d’acte
Soc. 9 mai 2007, pourvois n° 05-40.315, 05-40.518, 05-41.325 et 05-42.301, publiés au Bulletin
Gilles Auzero
« Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque lesalarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produitles effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission ».
En affirmant, le 25 juin 2003(1), que « lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si lesfaits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission », la Cour de cassation entérinait l’irruption dans notre droit positif d’un nouveau mode de résiliation unilatérale du contrat de travail à l’initiative du salarié, communément qualifié depuis lors de « prise d’acte »(2).
Ce mode de rupture venant s’ajouter à la démission et non s’y substituer, on ne pouvait manquer des’interroger sur leur articulation, ou plus exactement sur leurs domaines d’application respectifs. La Cour de cassation allait fournir un premier élément de réponse dans un arrêt du 15 mars 2006, en affirmant que lorsqu’un salarié démissionne en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d’acte(3). Cette décision, qui se situe dans le prolongement logiquedes arrêts du 25 juin 2003, signifie au fond que la prise d’acte de la rupture désigne tout acte par lequel le salarié notifie à l’employeur qu’il met fin au contrat de travail en raison de faits qu’il lui reproche, quelle que soit la dénomination utilisée dans cet acte(4). Restait alors à déterminer le sort à réserver à l’acte par lequel le salarié signifie à son employeur qu’il démissionne sansformuler de réserve, voire en indiquant qu’il le fait « pour convenances personnelles ». Cette absence de réserve interdit-elle au salarié de saisir ensuite le juge pour se prévaloir de manquements de l’employeur de nature à lui imputer la rupture ?
C’est à cette question que la Cour de cassation a souhaité répondre par quatre arrêts, rendus le 9 mai 2007 à l’occasion d’une audience thématiqueet promis à la plus large des publicités(5). Selon le motif de principe reproduit dans chacun de ces arrêts, « la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci enraison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’unedémission ».
A lire le communiqué de presse accompagnant ces arrêts, la Cour de cassation a souhaité « assurer la clarification des règles applicables à la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié, tout en assurant le respect de la loyauté des relations contractuelles des parties ». Pour ce faire, la Chambre sociale commence par rappeler la définition de la démission, pour…