Les philosophes des lumières ont mené leur combat contre l’inégalité et tout ce qui porte ateinte à la raison et à la liberté physique, intellectuelle ou morale. Dans cet extrait du texte satirique « Femmes, soyez soumises à vos maris » paru entre 1759 et 1768 dans Mélanges, pamphlets et oeuvres polémiques , Voltaire s’inscrit dans cette lutte en dénonçant la domination masculine. Il y met en scènela Maréchale de Grancey qui, en s’adressant à l’abbé de Chateauneuf, prononce un plaidoyer fortement argumentatif, défendant la cause féministe. Nous verrons dans une première partie que son discours suit un raisonnement logique et convaincant, puis nous nous rendrons compte qu’elle a recours à une stratégie de persuasion, polémique et engagée.
Dans la deuxième partie de son discours, àpartir du deuxième paragraphe, Madame de Grancey adopte une stratégie d’argumentation qui vise à convaincre son interlocuteur, l’abbé de Châteauneuf. En effet, on y remarque la présence de connecteurs logiques d’opposition : « mais » L.27, d’adolition « aussi » L.43, de cause « parce que » L.31 à 32, et de conséquence « en conséquence » L.37 qui traduisent l’expression de différents raisonnementslogiques. Ainsi on note que la maréchal met en évidence le caractère non fondé de la phrase de Molière dont elle fait référence et qui se démarque par la typographie, L.30 « du côté de la barbe est la toute-puissance », en faisant aparaitre les conséquences absurdes de cette phrase si on l’admettait : « Parce qu’un homme […] obéisse très humblement ? ». Le raisonnement par l’absurde est suivi d’uneconcession « Je sais bien qu’en générale […] leur supériorité ». De cette façon, elle admet que les hommes sont plus forts physiquement mais elle soutient sa thèse en disant ironiquement que les hommes se sentent supérieurs uniquement pour cela. La maréchale souligne aussi, L.27, que si la nature les a pourvus d’organes différents, c’est pour que les deux sexes soient complementaires et non pas pourque l’un soit supérieur à l’autre : « mais en rendant nécessaires les uns aux autres, elle n’a pas prétendu que l’union formât un esclavage ». Ainsi elle prouve que sur un plan biologique la supériorité masculine n’a pas lieu d’être. Enfin, elle démontre que la femme mérite autant que l’homme de gouverner en prouvant par un résonnement inductif que les deux sexes peuvent avoir les mêmescompétences : « Je lui montrerai des reines qui valent bien des rois ». Ainsi, elle s’appuie sur un exemple concret : l’anecdote d’une princesse allemande dont elle a entendu parler, qui constitue un modèle par son courage, son dévoument et ses connaissances: « On me parlait ces jours passés […] son courage égale ces connaissances ».
Ainsi, le discours de la maréchale de Grancey est solide et convaincantgrâce à la force des arguments mais son discours va au-dela du simple domaine de la conviction. En effet, elle a recourt à une stratégie polémique,et engagé afin de persuader l’interlocuteur.
Dès le début de son discours, Madame de Grancey donne l’impression d’être scandalisée. Effectivement, on perçoit un sentiment d’indignation de la maréchale souligné d’entrée par l’emploi de la formul « sij’avais été […] je lui aurais fait voir du pays »L.11 à 12, « s’il s’était contenté de dire […] je dirais [….] » L.13à 14. De plus, son discours recourt à de nombreuses formules d’insistance tel que l’anaphore « n’est-ce pas assez » L. 18, l’accumulation de questions rhétoriques constituant la quasi-totalité du premier paragraphe, ou encore une ponctuation expressive marqué par des exclamations : «Mais voilà une plaisante raison pour que j’ai un maître ! Quoi ! » L.31.
Elle utilise aussi des termes dépréciatifs, voir violents, qui discalifient l’adversaire : elle les traite « d’imbéciles » et elle montre qu’ils sont vaniteux « ils prétendent »L.37, « Ils se vantent » L.38.
Ainsi le discours agité de la marechale de Grancey confère une tonalité polémique au texte. On peut aussi…